WARMALIS 3 - Journal et Livre de bord

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Warmalis 3 est la troisième campagne de cette série réalisée au sein du projet MICROPAC, le micronecton du Pacifique. Les précédentes campagnes Warmalis 1 et Warmalis 2 conduites respectivement en 2020 et 2021 ont explorées le Pacifique ouest et central du sud vers le nord.

Cette année nous réalisons une traversée du pacifique d’est en ouest en partant de Papeete en Polynésie Française jusqu’à Kavieng en Papouasie Nouvelle-Guinée, en passant par les ZEE de Kiribati, Jarvis, Howland Baker, Nauru, des états fédérés de Micronésie et de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Cette campagne s’effectuera le long de l’équateur. Etant donné la distance parcourue nous effectuerons une escale à Tarawa aux Kiribati, séparant ainsi la mission en deux parties de 3 semaines chacune. L’escale nous permettra de ravitailler le navire en vivres et en fuel et nous en profiterons également pour changer d’équipe scientifique.

Cruise planned track

Plan de campagne prévu pour Warmalis 3.


L'objectif du projet est de comprendre le fonctionnement de l'écosystème océanique pélagique et de déterminer son influence sur les ressources en thon dans la région du Pacifique occidental et central. Notre projet étudiera les niveaux trophiques intermédiaires (zooplancton et micronecton) des grands écosystèmes pélagiques du Pacifique d’où proviennent plus de 50% des captures mondiales de thon. Le zooplancton et le micronecton sont des éléments qui relient les facteurs physiques/chimiques de l’océan, qui influencent leur distribution et leur abondance, à la mégafaune (par exemple le thon, les mammifères marins, les oiseaux de mer) qui sont leurs prédateurs. Le but de notre projet est de combler l'importante lacune dans les connaissances sur les grands écosystèmes pélagiques du Pacifique. Notre objectif est d'apporter des connaissances scientifiques pour une gestion durable des ressources pélagiques en comprenant le fonctionnement des écosystèmes pélagiques (du niveau physique aux niveaux biologiques intermédiaires) et en collectant des observations pour valider et améliorer les modèles d'écosystèmes utilisés pour analyser les ressources en thon (SEAPODYM).

Example microneckton Warmalis 2

Exemple de capture de micronecton pendant Warmalis2, avec des organismes gélatineux et des petits poissons et des crevettes communément consommés par les thons et autres prédateurs supérieurs (Photo : V. Allain, SPC-IRD).


Les campagnes Warmalis sont pluridisciplinaires, et nous collecterons des données physico-chimiques de l'eau de mer ainsi que des données sur le zooplancton et le micronecton. Pour caractériser les conditions physico-chimiques et la production primaire, nous mesurerons la température, la salinité, l'oxygène, la fluorescence, la lumière, les courants, les nutriments, les pigments photosynthétiques, l'abondance du phytoplancton, la production primaire, les communautés phytoplanctoniques. La production secondaire (zooplancton, micronecton) sera mesurée par échantillonnage acoustique (TAPS, WBAT, AZFP, S-ADCP, EK60) et au filet pour zooplancton et pour micronecton.

Débutant le 25 septembre 2023 de Papeete, nous aurons 5 jours de transit avant de rejoindre l’équateur. Nous prévoyons de faire 14 stations d’échantillonnage sur cette première partie avant d’arriver à Tarawa le 18 octobre. Après une courte escale le bateau repartira le 19 octobre pour poursuivre sa route faire l’ouest et 17 stations d’échantillonnage sont prévues sur cette deuxième partie avec une arrivée à Kavieng le 8 novembre.

Nos campagnes précédentes ont été réalisées à bord de l’Alis, navire de recherche de la flotte océanographique française qui est parti à la retraite en 2022 après notre campagne WARMALIS 2. Cette année la campagne sera effectuée sur l’Antea de la flotte océanographique française, un catamaran de 35m construit en 1995.

The Antea vessel

Le navire océanographique Antea, à quai à Nouméa (Photo: E. Vourey, SPC-IRD).


Cette campagne, entrant dans le cadre du projet MICROPAC, est réalisée avec le soutien financier du ministère français des Armées (Direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement), du ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères (Fonds Pacifique), de la flotte océanographique française, de la CPS et de ses bailleurs de fonds et de l’IRD.




Blog journalier

Nous sommes depuis 2 jours à bord de l’Antea dans le port de Papeete à Tahiti. Tout le matériel a été sorti des caisses et nous l’avons réparti dans les 2 laboratoires ainsi que dans le PC scientifique. Il faut s’assurer que tous les équipements sont en état de fonctionnement et bien rangés et attachés. Toute l’équipe est au complet et après quelques achats de dernières minutes c’est le départ.

Nous larguons les amarres vers 17h30 et nous faisons route vers le nord vers les eaux de Kiribati. Cinq jours de navigation nous attendent.

Guillaume et David devant le WBAT

Guillaume et David devant le WBAT


Lui et Matini

Lui et Matini qui préparent le filet à zooplancton, également appelé Bongo


Le depart

Le départ



J’avoue que le blog d’hier était court et a été rapidement expédié, mais les conditions de mer au moment de notre départ n’étaient pas vraiment favorables, et rédiger un petit article devant l’ordinateur après le repas n’était pas la meilleure idée que j’ai eue. Nous avons été plusieurs à quitter précipitamment la table à manger ou le bureau pour aller faire une offrande au dieu de la mer et à ses poissons.

La nuit a été bien mouvementée et nous nous sommes vite aperçus que certaines affaires n’étaient pas bien calées et se baladaient au gré du roulis et du tangage. La mer et notre cap étaient plus favorables aujourd’hui malgré les 20 nœuds de vent.

Nous progressons bien vers le nord et nous devrions rentrer dans les eaux de Kiribati cette nuit.

Le depart

L’équipe des scientifiques devant le bateau Antea au port de Papeete, quelques heures avant le départ.


Le depart

Calibration du WBAT, un instrument acoustique qui détecte le micronecton, dans le port de Papeete juste avant le départ.


Ce matin la météo était un peu plus clémente mais cela n’a pas duré, cet après-midi nous avons encore 20-25 nœuds de vent de travers ce qui fait rouler le bateau. Si la plupart sont maintenant amariné, cela reste difficile pour certains.

Les journées de transit sont longues et il faut s’occuper. Des tests supplémentaires ont été réalisés sur le WBAT, un instrument acoustique permettant de détecter le micronecton. Nous avions en effet un doute sur la qualité de la calibration effectuée pour assurer des mesures de bonne qualité. Les tests n’ont rien montré d’anormal donc les mesures devraient être bonnes.

Le depart

Jeremie et Christian testent l’une des bases acoustique du WBAT (instrument acoustique de détection du micronecton), en orange dans le seau en premier plan.


Alors que les prévisions météo nous annoncent 15 nœuds de vent, en fait nous sommes plutôt à 20-25 nœuds et aujourd’hui la houle est vraiment de côté. C’est donc difficile de se concentrer.

Nous sommes toujours en transit et nous en avons profité pour faire une réunion d’équipe dans le labo humide pour passer en revue l’ensemble des manips que nous allons réaliser et distribuer les tâches à chacun d’entre nous pour que tout se déroule sans accros.

A 16h00 l’alarme incendie a retenti (une sonnerie courte, une longue, une courte, une longue…) et l’équipage et les scientifique se sont rassemblés sur le pont arrière pour un exercice. Les membres de l’équipage dont c’était le rôle ont revêtu la tenue des pompiers et la lance à incendie a été déroulée pour l’exercice.

Nous achevons également la préparation des instruments pour être prêt pour dimanche pour notre première station d’échantillonnage. Les marins du bord ont installé sur le filet à zooplancton Bongo des volucompteurs. Ce sont des petits moulins placés à l’entrée du filet à zooplancton et qui permettent d’estimer le volume d’eau filtré afin de calculer la densité du zooplancton collecté.

Scientifiques labo humide

L’équipe scientifique au complet dans le laboratoire humide pour faire le briefing.


Exercice incendie

Exercice sécurité incendie.


Volucompteurs

Installation par les marins des volucompteurs sur le filet à zooplancton Bongo.


Il nous reste encore 2 jours de navigation avant d’arriver à notre première station sur l’équateur et nous avons suffisamment de temps devant nous pour nous permettre de faire un petit arrêt pour une station fictive, la station 0.

Martine, la chimiste et spécialiste du phytoplancton de l’équipe voudrait faire un petit test en prélevant de l’eau en profondeur et faire incuber le phytoplancton qu’elle contient dans des conditions de lumière de surface pour essayer de comprendre l’effet de la lumière sur du phytoplancton qui vit en profondeur.

Nous avons donc stoppé le bateau pour mettre à l’eau la rosette qui porte 12 bouteilles de prélèvement de 8 litres et plusieurs sondes qui mesurent notamment la température et la fluorescence qui est un indicateur du phytoplancton. Nous avons descendu la rosette à 110m de profondeur et la sonde nous indique que le maximum de fluorescence est à 90m.

Nous prélevons donc de l’eau à 90, 70, 50, 20 et 5 m de profondeur pour les expériences de Martine. Ensuite avec l’eau restante nous passons en revue tous les prélèvements que nous aurons à faire lors des vrais stations et chacun a pu s’entrainer pour être au point pour notre première station.

Lui salinity

Lui prélève de l’eau pour mesurer la salinité.


Preparation cuve incubation

La préparation de la cuve à incubation pour le phytoplancton (Stephane, Martine et Jean).


Visite fregates

Nous avons eu la visite de quelques frégates.


C’est notre dernière journée de transit et nous en profitons pour peaufiner les instruments pour que tout soit prêt pour la première station.

Nous allons tester un nouveau capteur qui mesure la bioluminescence. La bioluminescence est un phénomène d’émission de lumière par les organismes vivants grâce à une réaction chimique. Elle existe chez 75% des organismes marins de la surface jusqu’en grande profondeur. Le rôle écologique de la bioluminescence est mal connu en partie à cause de la quasi-inexistence d’observations directes.

Le capteur est équipé d’un détecteur de photons à très haute sensibilité associé à un capteur de pression. Il a été installé sur le WBAT et sera donc descendu jusqu’à 500 m de profondeur. Le capteur va faire des mesures à haute fréquence pour connaitre la répartition des organismes bioluminescents dans le colonne d’eau.

jonas_anais_bioluminescence

Jonas et Anais programment le capteur de bioluminescence.


Briefing

Briefing dans le PC science.


Nous voilà enfin arrivé dans notre zone de travail. Nous avons atteint l’équateur en milieu d’après-midi et nous avons commencé les travaux à la station d’échantillonnage numéro 1 un peu avant 16h.

Nous avons commencé par deux descentes de rosette, à 200 puis 600m, ce châssis qui porte de nombreux capteurs et des bouteilles d’une contenance de 8 litres que l’on peut fermer à des profondeurs choisies pour prendre de l’eau.

Nous avons ensuite enchainé par la descente de 3 instruments acoustiques : le WBAT jusqu’à 500m de profondeur qui permet de détecter le micronecton puis le TAPS et l’AZFP qui visualisent plutôt le zooplancton.

Le filet à zooplancton nous a montré que le milieu était assez riche et les captures avec le chalut à micronecton étaient assez conséquente ce qui nous a poussé jusqu’à 2 heures du matin.

L’équipe était satisfaite de cette première journée et à partir de maintenant nous allons répéter les mêmes opérations tous les jours pour les 14 jours à venir.

peche station 1

La pêche du jour en provenance des 500m de profondeur


coucher soleil

Hier nous avons profité du dernier coucher de soleil que nous aurons l’occasion d’admirer car à partir d’aujourd’hui nous sommes au travail à l’heure où le soleil se couche


pains chocolat

Aujourd’hui c’est dimanche, nous avons droit à des viennoiseries pour le petit-déjeuner. Martine et Pauline surveillent de près.


Nous étions plein d’enthousiasme pour cette deuxième station après le succès de la station 1, mais nous avons rapidement déchanté. Tout s’était trop bien passé la veille et aujourd’hui dès la première mise à l’eau de la rosette nous avons eu des problèmes avec le câble electroporteur qui permet de descendre les instruments et de leur envoyer des instructions. Nous avons tout de même pu remonter la rosette qui était à 200 m et les électroniciens ont commencé à examiner le câble pour découvrir plusieurs problèmes les uns après les autres. Après quelques heures de travail il était clair que la réparation allait prendre beaucoup de temps et nous avons abandonné l’idée de descendre les instruments nécessitant le câble electroporteur.

Nous avons donc utilisé le treuil hydro qui porte un câble simple et nous avons fait une descente du WBAT pour un test car la veille nous n’avions pas eu de données, et le test s’est avéré positif, donc enfin une bonne nouvelle. Nous avons également fait une descente du filet à zooplancton, le bongo qui porte 2 filets avec des mailles de 0.1 et 0.2 mm ; cette manip a également bien fonctionné.

Il était ensuite de faire les 2 chalutages et malheureusement alors que le commandant était prêt à filer le chalut qui était à l’eau il s’est aperçu qu’il ne recevait plus d’information sur l’un des treuils. Impossible de chaluter à l’aveugle donc on a remonté le chalut et nous avons terminé les travaux avec peu seulement un test du WBAT et un filet à zooplancton mais beaucoup de travail de réparation en perspective pour les électroniciens. Mauvaise journée donc, mais en espérant que ce sera la seule de la mission.

reparation electroporteur

Guillaume, Christian, Vincent et Jonas travaillent à la réparation du câble electroporteur.


recuperation bongo

Récupération du filet à zooplancton Bongo.


Après le fiasco d’hier nous avions décidé de rester sur place à la station 2 pour refaire une station complète. En effet depuis la station 1 et pour quelques stations encore nous sommes situés dans la zone d’upwelling (remontée d’eaux profondes froides, plus salées et riches) mais en allant vers l’ouest nous entrerons rapidement dans la warm pool (eaux très chaudes, moins salées et plus pauvres). Nous ne voulons donc pas laisser passer notre chance de bien caractériser la zone d’upwellings pour pouvoir la comparer aux eaux chaudes de l’ouest dans lesquelles nous ferons de nombreuses stations d’échantillonnage.

Les électroniciens ont donc passé leur journée à réparer le treuil electroporteur qui permet de descendre les instruments à l’eau, et le système de contrôle du chalut. Ils ont eu fort à faire sur le pont avec une température de l’air de 30°C et une eau de surface à 28°C qui ne refroidit pas l’atmosphère. Leurs efforts ont payé et à 14h30 le test de la rosette s’est avéré concluant.

Avec un peu d’appréhension nous avons donc commencé notre station à 16h et la première descente de rosette s’est bien passée. Mais à la deuxième rosette les alarmes ont de nouveau retenties et il nous a fallu annuler cette deuxième opération. La panne vient sans doute du capteur de lumière qui a pris un peu l’eau. Nous avons ensuite enchainé le reste des opérations sans problèmes jusqu’au deuxième chalut qui a ramené son lot d’organismes étranges et notamment des poissons hachettes.

soudure precision

Christian et Guillaume font de la soudure de précision pour réparer le câble électronique


Poisson hachette

Un poisson hachette d’une dizaine de centimètres.


Fou pieds rouges

Perché sur le portique arrière ce fou à pieds rouges a suivi avec intérêt ce qui se passait sur le pont pendant une bonne partie de la journée.


L'acoustique c'est fantastique !

Le long de la route de l’ANTEA des mesures acoustiques sont réalisées en continu. Les sondeurs qui équipent la coque du navire utilisent les ondes acoustiques pour détecter la vie qui se trouve sous le bateau jusqu’à 1000 mètres de profondeur. Les ondes acoustiques se propagent très bien dans l’eau, contrairement à la lumière. Les dauphins et les baleines utilisent ce principe depuis des millions d’années pour détecter leurs proies avec leurs sonars.

Pendant Warmalis 3, toutes les 3 secondes, les sondeurs émettent une onde ultrasonore (un ping !) qui est réfléchie lorsqu’elle touche une cible comme un poisson, des bulles, le fond de l’océan. Grâce à ce signal réfléchi, qu’on appelle un écho, la cible est positionnée en profondeur. Tout au long du déplacement du navire, le zooplancton et les poissons présents sous le bateau sont alors détectés.

L’image obtenue à partir d’un sondeur s’appelle un échogramme dont les signaux informent de la présence ou de l’absence de vie sous-marine. La densité des organismes du micronecton peut alors être quantifiée. Les mesures acoustiques permettront de mettre en évidence les différences de densités le long de l’équateur entre l’Est et l’Ouest de notre zone d’étude.

Enregistrement accoustique

Enregistrement acoustique à 38 kHz réalisé entre le 30 septembre et le 1er octobre dans les eaux des îles Kiribati.


Cet échogramme est une visualisation des échos reçus sur le sondeur qui est sous le navire. Il permet de voir les mouvements verticaux (axe vertical de la surface à 800m de profondeur) en fonction du temps (axe horizontal sur 24 heures). L’échelle de couleur indique les intensités des échos et donc la présence plus ou moins forte d’organismes (en jaune-vert de fortes densités, en bleu-blanc de faibles densités). La migration verticale est bien visible à chaque transition entre le jour et la nuit. En surface, la densité est beaucoup plus élevée la nuit que le jour. Entre 400 et 700m de profondeur, les organismes sont plus nombreux le jour que la nuit.

L’acoustique active est une méthode qui a l’avantage d’être non intrusive car il n’y a pas de perturbation du milieu marin ni de prélèvements. Mais pour connaître les espèces détectées par le sondeur, il est nécessaire de pêcher. L’observation du micronecton par acoustique est complémentaire de la pêche scientifique. Pour améliorer la compréhension du fonctionnement et de la dynamique de l’écosystème, ces données seront ensuite analysées au regard de données environnementales collectées lors de la campagne : courant, température, salinité, fluorescence.

Nous voilà à la station 4, nous sommes dans les eaux de Jarvis, un territoire isolé des Etats-Unis au milieu du Pacifique avec un petite île qui n’est pas habitée et que nous n’apercevrons pas car nous en sommes trop loin. Depuis le début des échantillonnages nous sommes dans les eaux riches de l’upwelling équatorial et on le constate au niveau des différents échantillons que l’on collecte avec de fortes valeurs de phytoplancton et des filets à zooplancton bien rempli.

On le voit aussi en particulier dans les captures du chalut à micronecton. Tous les soirs nous réalisons 2 chalutages, le premier est un chalut oblique de la surface à 250m de profondeur. Il nous permet de collecter les organismes qui sont toujours aussi en surface mais aussi les organismes vivant en profondeur le jour et qui remontent en surface la nuit. En effet comme on le voit très bien sur l’acoustique (voir le blog d’hier) tous les jours une partie du micronecton va réaliser des migrations verticales de plusieurs centaines de mètres pour monter en surface la nuit pour se nourrir et redescendre le jour dans les profondeurs où il n’y a plus de lumière pour s’abriter des prédateurs visuels comme les thons. Notre deuxième chalut nous le faisons en profondeur en chalutant horizontalement à 500m pour capturer les organismes qui ne font pas de migrations verticales mais qui peuvent cependant être consommés par les thons qui plongent en profondeur comme les thons obèses.

Depuis le début de l’expédition tous les chaluts sont remontes avec une bonne récolte et tous les soirs nous sommes impatients de voir les trésors que l’on va remonter des profondeurs avec parfois des animaux très étranges. Jusqu’à présent nous avons capture surtout des poissons et des crevettes ; les calamars et les organismes gélatineux sont moins fréquents. Le tri des organismes nous occupe pendant quelques heures après la fin des chalutages et nous n’allons pas nous coucher avant 2h du matin.

Crevette belle taille

Une magnifique crevette de belle taille avec de très grandes antennes.


Chalut bien plein

Un chalut bien plein avec quelques calamars et méduses mais surtout des poissons et des crevettes.


Lui fier

Lui nous présente fièrement une partie de la récolte du jour triée par groupes et empaquetée pour aller au congélateur avant le retour à Nouméa pour leur identification au laboratoire de la Communauté du Pacifique.


Victoire aujourd’hui, tout s’est déroulé sans problème. Nous avions des soucis avec notre rosette depuis le début de la campagne et Guillaume notre électronicien après plusieurs tests a bien identifié la panne et remplacé les pompes défectueuses qui nous faisaient perdre le contact avec l’instrument dès que nous étions en profondeur. Nous avons donc pu faire l’ensemble de nos prélèvements et nous sommes soulagés et confiants pour le reste de la mission.

Nous espérons donc rentrer dans une phase de routine, c’est un peu comme dans « Un jour sans fin / Le jour de la marmotte », chaque jour se répète avec les mêmes évènements. Chacun, aussi bien chez les scientifiques que chez les marins, est désormais bien rodé à ses taches respectives. Nous avons tout de même quelques petits évènements qui nous secouent un peu dans notre quotidien. Hier soir un oiseau marin de petite taille s’est posé sur le bateau, il s’agit d’un pétrel, un oiseau habitué à faire de longs trajets en mer sans se poser. Il avait l’air mal en point, pas à l’aise et sans doute déboussolé par le bruit et les projecteurs du bateau au milieu de la nuit. Pour éviter qu’il ne se blesse nous l’avons mis au calme dans un carton avec un peu d’eau et nous avons attendu le matin pour le laisser prendre son envol ; il est parti sans demander son reste.

Guillaume rosette

Guillaume aux petits soins de la rosette.


Preparation filet zooplankton

La préparation du filet à zooplancton.


Tri micronecton

Le tri du micronecton.


Petit petrel

Ce petit pétrel a sans doute été perturbé par les lumières du bateau pendant la nuit. Au matin il est reparti sans regret.


Les marins à l'honneur

Nous sommes 23 à bord, 13 marins et 10 scientifiques. La présence des marins est indispensable au bon déroulé des campagnes scientifiques, ce sont eux qui assurent la conduite du bateau ainsi que la préparation, l’entretien et la mise à l’eau des engins et équipements dédiés à la collecte de données scientifiques.

A bord, chacun a un rôle bien défini. Arnaud (commandant), Rémi (second commandant) et Cyrille (lieutenant) sont les officiers de passerelle. Parmi leurs nombreuses tâches, ils sont responsables de la conduite du navire, notamment d’arriver à l’heure prévue sur les stations, ainsi que de la sécurité de tout le monde à bord (respect des conditions de travail, cas d’incendie ou de maladie). Durant les opérations, ils donnent l’autorisation de mettre à l’eau les engins, supervisent les activités sur le pont et s’assurent de garder le navire immobile (pour les rosettes) ou à une vitesse constante (lors du trait de chalut), tout en considérant les courants de surface et de vent.

Arnaud aux commandes

Arnaud aux commandes du bateau


Cyrille

Cyrille explique à Pauline le fonctionnement du radar en passerelle


Vincent et Remi

Vincent et Rémi vérifient l'état des VFI (vêtement à flottabilité intégrée)


Louis-Marie (chef mécanicien), Matthieu (second mécaniciens) et Patrick (maître mécanicien) sont en charge du service machine, ce sont eux qui s’assurent du bon fonctionnement des équipements à bord : moteurs de propulsion, groupes électrogènes, apparaux de pont (treuils, portiques, hydraulique) et auxiliaires (production d’eau douce, évacuation des eaux noires). Au quotidien, ils font de la maintenance préventive et effectuent des rondes durant lesquelles ils vérifient les niveaux et détectent les fuites. Les mécanos doivent être polyvalents car ils sont amenés à devoir réparer la machine à café comme gérer des avaries.

Patrick

Patrick (Popo pour les intimes) répare une pièce d’un panneau du chalut dans son atelier


Matthieu et Louis-Marie

Matthieu et Louis-Marie assurent la maintenance du canot de sauvetage


Sur le pont, on retrouve Jean (maître d’équipage ou bosco), Vincent (maître de manœuvre) et les matelots Alex, Mylène et Stéphane. Tous les cinq sont responsables de la préparation, l’entretien et la mise à l’eau des instruments (rosette et profileurs acoustiques), des filets à zooplancton et du chalut pour micronecton. C’est eux aussi qui gèrent la propreté à bord et l’entretien courant du bateau (peinture, entretien des pièces usées par la corrosion). Les trois matelots font également chaque jour des rondes de sécurité durant lesquelles ils s’assurent par exemple qu’il n’y a pas de fuites (moteur, en cuisine) et que tout le matériel est bien amarré lors des périodes de transit.

Mylene et Jean

Pause goûter bien méritée pour Mylène et Jean en attendant que la rosette remonte à la surface


Stephane et Alex

Stéphane et Alex sur le pont


La vie à bord ne serait pas ce qu’elle est non plus sans la présence de Delphine, la cheffe cuistot, qui nous concocte chaque jour de délicieux menus variés et équilibrés, et Gwen, le maître d’hôtel, en charge de la gestion des vivres et du service de table.

Stephane et Alex

Delphine et Gwen préparent en cuisine notre repas de ce soir


A part la cheffe et le maître d’hôtel, tous les marins travaillent en quart, c’est-à-dire qu’ils se relaient toutes les quatre heures sur le pont et en passerelle, de jour comme de nuit. Contrairement aux scientifiques qui débarqueront en milieu de mission à Tarawa pour laisser place à l’équipe du leg 2, les marins restent à bord sur la totalité de Warmalis 3.

A la rencontre des drones, SAILDRONES

Aujourd’hui deux évènements majeurs ont un peu bousculé notre quotidien. D’une part c’était dimanche et outre le fait que notre équipe en cuisine nous concocte un menu haut de gamme, il est aussi de tradition de mettre ses plus beaux atours tropicaux, la chemise à fleur est de rigueur.

Jeremie, Guillaume, Christian, Valerie

Jeremie, Guillaume, Christian et Valerie au repas du dimanche midi


D’autre part, lors de notre route vers la station 007, nous avons eu la chance de naviguer aux cotés de deux joyaux technologiques dignes des accessoires de James Bond : les drones marins « SAILDRONES ». Ces drones de surface sont partis d’Hawaï depuis 120 jours et sont pilotés à distance par des pilotes de l’équipe SAILDRONE pour des scientifiques américains de la NOAA.

Detection drones

Détection des deux drones au radar


Estimation rencontre

Estimation du point de rencontre avec le logiciel de navigation


La météo étant favorable, Guillaume en a profité pour réaliser un vol avec son drone aérien. Pendant 20 minutes, il a capturé de superbes vidéos de l’ANTEA et du saildrone qui se situait à proximité.

saildrone

Photo aérienne d’un SAILDRONE


Les drones ressemblent à un voilier miniature (7 m de longueur, 5 m de hauteur de la voilure, 2 m de profondeur de quille). Ils se déplacent grâce aux vents et peuvent évoluer en autonomie pendant 1 an. Leur rôle est de collecter des données océaniques et climatiques en temps réel. On peut ainsi obtenir dans des endroits isolés des données météo (pression atmosphérique, température et humidité de l’air, vent) et des données océanographiques (température de l’eau, salinité, activité biologique, courants marins). La communication s’effectue par satellite et chaque drone est équipé d’une balise AIS (Automatic Identification System) et de réflecteurs radar pour assurer leur sécurité. Pour plus d’infos rendez-vous sur le site https://www.saildrone.com

Un des saildrones étant équipé du même type de sondeurs acoustiques que l’ANTEA, au cours de cette journée, notre objectif était de collecter des données acoustiques en parallèle afin de pouvoir comparer les différentes données et d’obtenir des informations complémentaires autour de notre zone d’étude.

Antea station 007

L’Antea au niveau de la station 007 avec un Saildrone à environ 800 m


Tout mignon le phytoplancton

Le phytoplancton (plancton végétal) est composé de micro-algues et de cyanobactéries présentes dans les eaux de surface (surtout dans les 200 premiers mètres) qui dérivent avec les courants. Ces organismes mesurent entre 1 mm et 0,2 µm (0,0000002 mm) pour les plus petits, et sont donc invisibles à l’œil nu individuellement ; mais leur quantité est parfois telle (efflorescence ou bloom) qu’ils colorent l’océan et sont ainsi observables par satellite.

Exemple phytoplancton

Exemples d’organismes phytoplanctoniques observés au microscope : un dinoflagellé (gauche) et une diatomée (droite)


Comme les plantes terrestres, le phytoplancton est photosynthétique, c’est à dire qu’il contient de la chlorophylle grâce à laquelle il capture l’énergie solaire qui lui sert à transformer le dioxyde de carbone (CO2) en oxygène (O2) et en matière organique. Le phytoplancton est appelé « producteur primaire » car il se trouve à la base de la chaîne alimentaire océanique, dont les thons constituent les prédateurs supérieurs ; il est donc indispensable à la vie marine.

Comme les plantes terrestres ont besoin d’engrais, le phytoplancton a besoin de sels nutritifs (surtout d’azote et de phosphore) pour se développer. Ces éléments nutritifs sont présents en plus grande quantité dans la zone de remontée d’eaux profondes (upwellings) dans laquelle nous sommes depuis le début de la campagne et nous constatons que les eaux sont riches en phytoplancton. Nous nous attendons à ce que les quantités de sels nutritifs et phytoplancton diminuent en allant vers l’ouest dans les eaux chaudes (warm pool). Un des objectifs de Warmalis 3 est donc d’étudier comment ce gradient est-ouest impacte la distribution et l’activité (production primaire) du phytoplancton et des autres composants de l’écosystème. Chaque jour nous prélevons de l’eau à différentes profondeurs avec la rosette pour analyser la quantité d’éléments nutritifs. Des filtrations dans le laboratoire à bord et des incubations sur le pont (pendant 24h) sont également réalisées pour mesurer la biomasse de phytoplancton et son activité photosynthétique.

Martine, Lui et Jonas

Martine, Lui et Jonas mettent à incuber du phytoplancton


Martine filtre eau

Martine filtre l’eau qui a incubé pendant 24h


Malheureusement nous avons à nouveau eu des problèmes avec notre câble electroporteur et une nouvelle intervention des électroniciens a été nécessaire qui a retardé le début des travaux de 2-3 heures. Nous avons donc adapté le plan d’échantillonnage et supprimé quelques opérations. L’adaptation est le maitre-mot du travail en mer, en effet malgré de longs mois de préparations en essayant de penser à toutes les éventualités, il faut toujours faire face a des imprévus, des réparations à réaliser. Il est donc important d’avoir toujours des pièces de rechange pour tous les équipements, beaucoup d’ingéniosité et de persévérance.

Equipe en attente

L’équipe en attente pendant que les électroniciens réparent le câble


Cette nuit dans les chaluts nous avons eu des spécimens que nous n’avions pas encore vu jusqu’à présent :

  • Un petit requin emporte-pièce d’une quarantaine de centimètres que nous avons rapidement mesuré et pesé avant de le remettre à l’eau bien vivant. Ces petits requins s’attaquent à des animaux beaucoup plus gros qu’eux comme des thons ou des mammifères marins en leur prélevant rapidement un morceau de chair de quelques centimètres de diamètre grâce à leurs mâchoires puissantes aux dents acérées.
  • Requin emporte piece


  • Un étrange poisson à la peau noir dont la bouche et les yeux sont tournés vers le haut et qui semble avoir une gorge très développée avec des rayons
  • Etrange poisson peau noire


  • Un poisson scorpion pélagique, c’est-à-dire vivant en pleine eau, du nom d’Ectreposebastes, rarement observé
  • Poisson scorpion pelagique


C’est notre deuxième et dernière station dans les eaux des Iles Phoenix après avoir visité les eaux des Iles de la Ligne en début de mission et avant de visiter bientôt les eaux des Iles Gilbert. Ces 3 archipels éloignés les uns des autres (1000 km entre les Gilbert et les Phoenix et 2000 km entre les Phoenix et les Iles de la Ligne) constituent 3 zones économiques distinctes d’un même pays : Kiribati. Nous ferons d’ailleurs bientôt escale dans l’atoll capital de ce pays : Tarawa pour un changement d’équipe scientifique.

Sation 10 beau ciel

Pour notre dixième station nous avons eu le droit à un beau ciel de fin d’après-midi


Nous avons mis le Bongo à l’eau pour échantillonner du zooplancton entre la surface et 250m de profondeur. Cet engin est constitué de 2 filets avec des mailles différentes de 200 micromètres (0.2 mm) et 100 micromètres (0.1mm). De nuit la couche de surface, les 200 premiers mètres est la plus riche en zooplancton par rapport aux eaux plus profondes. Ces petits organismes dont beaucoup sont des crustacés se nourrissent de phytoplancton, de détritus ou de zooplancton plus petit. Comme le micronecton, certaines espèces du zooplancton font également des migrations verticales entre la surface et la profondeur en fonction du jour et de la nuit. Le zooplancton constitue la nourriture de nombreuses espèces du micronecton.

Equipe zooplankton

L’équipe zooplancton attend le retour du Bongo pour collecter les échantillons


Détente equipage

Petit moment de détente pour l’équipage avant la mise a l’eau du prochain équipement


Equipe micronecton plein travail

L’équipe micronecton en plein travail : il faut trier, mesurer et peser les organismes gélatineux tant qu’ils sont frais, noter et préparer des étiquettes, préparer les sacs avec de l’eau pour la préservation des spécimens et trouver des noms inventifs tels que poisson noir ou poisson brillant pour les spécimens qui vont demander un examen approfondi sous le microscope au laboratoire à terre avant d’être identifié précisément.


Larve langouste

Un très joli spécimen de larve de langouste qui passe le début de sa vie en pleine eau transportée par les courants avant se plus tard se métamorphoser en mini langouste pour aller s’installer dans les récifs


Ce matin la température extérieur est à 31.5°C et la température de surface de l’eau à peine plus froide à 30.9°C. Cela rend le travail des marins particulièrement difficile.

Parmi les instruments que nous déployons il y a l’AZFP. C’est un instrument acoustique qui est conçu pour détecter principalement du méso-macro-zooplancton, c’est-à-dire des organismes du zooplancton dont la taille est supérieure à 0.2 cm (200µm). L’AZFP SN 55180 est composé de 4 transducteurs single-beam haute fréquence fonctionnant à 200, 455, 769 et 2000 kHz. Sur cette campagne l’AZFP est couplé au TAPS, un autre instrument acoustique pour détecter le zooplancton. Les 2 instruments attachés ensemble sont descendus à 200 m de profondeur et permettent d’établir un profil vertical de la densité des organismes. De nuit on constate que les organismes sont plus concentrés vers la surface.

Mise a eau TAPS Echogramme 0 200m

Mise à l’eau du TAPS (tube noir) et de l’AZFP (tube blanc) ; et échogramme entre la surface et 200m montrant en bleu clair la trace laissée par chacun des organismes observé par l’AZFP : la densité est plus importante lorsque l’on est plus proche de la surface.


Micronecton du jour

Dans la capture du micronecton du jour.


Ce matin au réveil nous avons la surprise de découvrir une mer d’huile. Il y a moins de 1 nœud de vent et la surface de l’eau brille et il n’y a pas une ride sur l’eau, c’est un magnifique spectacle.

Antea mer huile

La proue de l’Antea à l’équateur par mer d’huile


Nous sommes dans les eaux des iles américaines de Howland et Baker et nous sommes à environ 30 miles nautiques de Baker. Il y a donc quelques récifs dans les environs et on constate en effet quelques espèces de récif dans nos captures. Elles ont été extrêmement rare jusqu’à présent sans doute à cause de l’absence d’iles et récifs sur notre parcours depuis notre départ. De nombreuses espèces côtières et de récifs pondent leurs œufs en pleine eau et ils dérivent au gré des courants et se retrouvent au large où ils se développent en larve et en juvéniles. Si beaucoup finissent dans les estomacs des prédateurs comme les thons, certains vont finir par se métamorphoser dans une forme proche de l’adulte et ils vont retourner vers les récifs pour s’y installer et mener leur vie d’adulte.

Chirurgien juvenile larve langouste 3 cm

Un juvénile de poisson chirurgien de 5 cm qui commence à acquérir des couleurs, signe qu’il ne va pas tarder à s’installer sur le récif ; une larve de langouste de 3cm (sans les antennes) qui ressemble tout à fait à un adulte.


Poisson rose profondeur

Un étrange poisson rose des profondeurs


Equipe micronecton

L’équipe micronecton, marins et scientifiques


La station 13 devait être notre dernière station d’échantillonnage mais malheureusement ce matin le vent a tourné. Depuis que nous étions sur l’équateur nous avions le vent dans le dos ce qui rendait la navigation agréable et poussait le bateau, mais nous avons désormais le vent de face, il souffle de l’ouest. Cela change considérable notre vitesse de pointe et si nous espérions avancer à 9.5 nœuds avec le vent dans le dos pour rentrer vers Tarawa, désormais avec ce vent de face et les moteurs pousses à fond nous faisons péniblement du 8 nœuds. Le trajet sera donc beaucoup plus long pour atteindre Tarawa le 18 octobre. L’escale étant déjà programmée avec le ravitaillement, le fuel et le changement d’équipe, nous ne pouvons pas retarder notre arrivée à Tarawa. Nous nous sommes donc résolus à annuler cette station pour faire route immédiatement.

Coucher soleil 1

Coucher soleil 2

Coucher de soleil


Reparations chalut micronecton

Quelques réparations sur le chalut à micronecton


Nous poursuivons notre route sur l’équateur jusqu’à atteindre la ligne de changement de date à la longitude 180. Il n’est pas si fréquent de passer sur ce point symbolique de latitude 0 et longitude 180, frontière à la fois du dieu Chronos maitre du temps et de Neptune le dieu des mers. Pauline notre artiste du bord nous a créé spécialement une pancarte et nous prenons cette opportunité pour prendre une photo de groupe avec les scientifiques et les marins.

Après le 180 le bateau bifurque et prend le cap nord-ouest en direction de Tarawa que nous devrions atteindre dans 2 jours et où la deuxième équipe de scientifiques nous attends pour nous remplacer pour le leg2 qui repartira de Tarawa pour poursuivre jusqu’à Kavieng en Papouasie Nouvelle-Guinée en passant pas Nauru et les Etats Fédérés de Micronésie.

Equipe Warmalis leg 1

L’équipe Warmalis 3 du leg 1.


Nous avons passé la journée d’hier à progresser très doucement vers l’ile de Tarawa avec un vent de plus de 20 nœuds de face et une mer un peu agitée. Le commandant a réglé l’allure afin d’arriver le 19 octobre au matin devant la passe du lagon de Tarawa au point où le pilote doit venir à bord pour guider le bateau à quai. Notre dernière nuit à bord a été très agitée à cause de la mauvaise météo et il règne une certaine excitation avant l’escale qui va être courte pour faire le ravitaillement pour l’équipage et pour le groupe des scientifique une certaine hâte de pouvoir poser le pied à terre et de rentrer après plusieurs semaines en mer mais aussi de passer le relai aux collègues. Nous savons malheureusement que nous n’aurons que très peu de temps pour faire la passation car notre avion décolle en fin de matinée et l’avion suivant est seulement 4 jours plus tard donc il ne faut pas le rater.

Ce matin à 6 heure les officiers de la passerelle et le chef mécanicien sont tous en passerelle et nous sommes au point de rendez-vous mais la mer est forte avec du vent et de la pluie. Par radio on nous informe que le pilote attend que le jour se lève et que la météo s’améliore mais on a peu d’espoir que cela se calme. Finalement nous sommes autorisés à rentrer dans le lagon doucement et la pilotine nous attends un peu plus loin ; le pilote ne montera pas à bord, la manœuvre est trop périlleuse avec les vagues. Nous suivons donc la pilotine qui nous emmènes à un point de mouillage, les conditions ne sont pas favorables pour accoster à quai. Nous voyons avec inquiétude le temps qui s’écoule et nos chances d’attraper notre avion qui s’amenuisent sans parler de faire la passation avec nos collègues.

Finalement l’autorisation de venir à quai est donnée mais le commandant estime qu’avec les manœuvres nécessaires il sera plus rapide pour les scientifiques de monter à bord de la pilotine pour qu’elle nous dépose au port où un taxi nous attends. Une échelle est installée par-dessus bord et il nous faut descendre 2-3 mètres pour rejoindre la pilotine en-dessous qui bouge furieusement. Toutes les précautions sont prises et avec une petite poussée d’adrénaline tout le monde réussi sans problème à passer dans la pilotine avec les bagages. Le quai est à 2 km et nous devons nous mettre à couple d’autres bateaux et faire passer bagages et personnel à travers 3 autres bateaux avant d’atteindre le quai. Une partie de l’équipe remplaçante est là, nous sommes contents de nous voir et nous prenons 2 minutes pour expliquer quelques points importants avant de sauter dans le mini bus. La ville est inondée avec les pluies récentes et la progression très lente entre les flaques énormes et les nids de poule , sans compter un arrêt pour remettre de l’huile dans le moteur.

L’équipe débarquante arrivera finalement 5 minutes après l’heure de fin d’enregistrement et seuls 3 d’entre nous qui ont réussi à laborieusement faire leur enregistrement en ligne la veille sur le bateau seront autorisés à prendre l’avion. Nous sommes 6 à rester sur le tarmac. Sans contact et sans moyen de communication, nous finirons par trouver des personnes bienveillantes et extrêmement gentilles qui nous aiderons à trouver un hôtel et à nous y emmener, ce qui n’est pas quelque chose de simple à Tarawa quand on est pris au dépourvu. Il nous faudra la journée et la réactivité de nos collègues en Nouvelle-Calédonie et en France pour nous trouver de nouveaux billets d’avion et organiser notre retour à la maison.

Nous réussirons finalement à partir le lendemain de Tarawa vers Nauru avec plusieurs heures de retard car l’avion avait un problème technique. A Nauru Jonas qui est arrive chez lui nous quitte et notre avion suivant nous avait attendu pour nous rendre à Nandi aux Fidji où nous arrivons au milieu de la nuit. Le lendemain matin nous laissons Jeremie à Fidji qui prends le temps de visiter un peu avant de repartir en France et Lui prends un avion vers Apia, Samoa pour rentrer à la maison. Pour les 4 derniers de l’équipe, nous repartons vers Auckland, Nouvelle-Zélande où il nous faudra passer à nouveau une nuit avant de pouvoir enfin rejoindre Nouméa le dimanche 22 oct.

Entree lagon tarawa

Notre entrée dans le lagon de Tarawa


Equipe debarquante pilotine

L’équipe débarquante dans la pilotine


Hotel tarawa sous la pluie

Dans notre hôtel à Tarawa sous la pluie battante


Depuis 2 jours, une grosse dépression s’abat sur Tarawa, provoquant de nombreuses inondations sur l’île. Après discussion avec les locaux, il semble qu’ils n’aient jamais vécu une situation similaire de vent et de pluie.

L’arrivée à quai de l’Antea était initialement prévue pour le 19 octobre vers 6h30. Ainsi l’équipe 1 aurait pu effectuer la passation avec l’équipe 2 avant de se diriger sereinement vers l’aéroport. Malheureusement les conditions météorologiques étant tellement mauvaises (20 nœuds, rafales à 35), l’Antea n’a pu rejoindre le quai. Il a dû rester au mouillage et l’équipe du leg 1 a dû être ramenée à terre au moyen d’un petit bateau, en urgence, afin d’éviter d’arriver trop tard à l’aéroport. Une partie de l’équipe du leg 2 attendait sur le quai et la passation la plus rapide de l’histoire a pu se faire. Ils ont su plus tard que seul 3 personnes avaient réussi à prendre leur avion.

Plus tard dans la journée, l’Antea a pu regagner le quai permettant à l’équipe du leg 2 d’embarquer et à toute l’équipe du bord de s’afférer pour le ravitaillement en fuel, le chargement des vivres... Il y avait une forte houle et des rafales de vent importantes. A peine arrivé à bord, il a fallu repartir au mouillage car les conditions ne permettaient pas de rester à quai en toute sécurité. Des haussières, des amarres et la coupée ont cassé. Le commandant a donc décidé de se remettre au mouillage et d’attendre que les conditions s’améliorent pour terminer le ravitaillement.

Une fois au mouillage, les scientifiques du leg 2 ont pu visiter le bateau, rencontrer l’équipage et prendre possession de leurs quartiers pour les trois prochaines semaines. Certains d’entre nous ont eu un peu le mal de mer…

L’équipe du leg2 est composée de 9 scientifiques: Vonklauss de Papouasie Nouvelle Guinée, Anne et Sarah de France, et Laure, Élodie, Céline, Marion, Amandine et Christophe (notre chef de mission) de Nouvelle Calédonie. C’est une équipe très féminine.

Marion et Christophe


Equipe leg 2 embarque


Nous nous sommes réveillés après notre première nuit au mouillage. La météo n’est toujours pas bonne, il continue de pleuvoir mais le vent faiblit légèrement. Nous attendons les nouvelles du commandant pour savoir si nous pourrons nous rendre à quai. Quelques heures plus tard, nous apprenons que l’Antea n’y est toujours pas autorisé, les conditions climatiques ne le permettant pas.

Nous en profitons, donc, pour effectuer une réunion avec Rémi, le second capitaine, sur les consignes de sécurité et les règles à respecter à bord de l’Antea. Nous nous entrainons à revêtir les combinaisons de survie et nous décidons de pimenter cette activité en réalisant un petit concours de rapidité. Marion remporte haut la main ce concours en 42’70 sec, ce qui est un très bon temps ! BRAVO à elle.

Essayeg combinaisons survie

Figure 1. Essayage de la combinaison de survie


A la suite de cet entrainement, nous profitons que le bateau ne bouge pas trop pour préparer les prochaines analyses. Marion, Elodie et Sarah s’affairent au laboratoire et identifient les tubes qui recevront les futurs échantillons dédiés aux analyses d’ADN environnemental. Amandine prend ses marques, organise sa zone de travail dans le laboratoire filtration et vérifie avec Céline le matériel pour l’échantillonnage de l’oxygène dissous. Quant à Laure, Anne, Christophe et Vonklauss, ils ont démarré les TDR* pour tester leur fonctionnement.

*Temperature Depth Recorder = sonde qui enregistre la température à différentes profondeurs dans la colonne d’eau.

Marion Elodie Sarah preparation tubes

Figure 2. Marion, Elodie et Sarah préparant les tubes pour les échantillons d’ADN environnemental.


Sondes TDR

Figure 3. Sondes TDR qui seront plongées dans la colonne d’eau pour enregistrer la température à différentes profondeurs.


La météo s’étant calmée, nous avons pu rejoindre le quai pour y effectuer le ravitaillement en fuel, eau et vivres.

Les arrivées à quai avec un tel bateau nécessitent que tous les marins soient mobilisés pour effectuer les manœuvres.

Jean, Mylène, Vincent et Stephane étaient à l’avant du bateau pour remonter l’ancre et lancer la touline (=lance-amarres) à lamaneur (personne sur le quai qui attache le bateau) une fois proche du quai. Ils ont effectué les manœuvres sous un soleil de plomb.

Une fois le bateau correctement amarré au quai et l’échelle de coupée descendue, ils ont pu commencer à charger l’eau, faire le plein de fuel et charger les vivres.

Malheureusement, Tarawa étant une toute petite ile n’ayant pas de production locale, nous n’avons pas pu recevoir de légumes, ni de fruits.

Quant au chargement du fuel, il s’est déroulé en plusieurs étapes. Dans un premier temps trois camions-citernes sont venus réapprovisionner l’Antea, cette opération a pris plusieurs heures, jusqu’à la tombée de la nuit, nécessitant que le dernier camion fasse le transfert le lendemain. De plus, à Tarawa, il n’est pas possible de sortir de la passe sans bateau pilote, et celui-ci ne navigue plus après 17h30.

Le départ est donc reporté à dimanche.

Ainsi, marins et scientifiques ont saisi l'occasion de ce départ retardé pour débarquer et prendre un moment de détente.

Remonter l'ancre

Figure 1. Jean, Vincent et Stéphane à l’avant du bateau en train de remonter l’ancre.


Remonter haussieres

Figure 2. Mylène et Stéphane en train de remonter les haussières


Antea arrive a quai

Figure 3. L’Antea en train d’arriver à quai


Antea attente ravitaillement

Figure 4. L’Antea à quai, en attente du ravitaillement


Ca y est nous quittons Tarawa !

La République des Kiribati constituent trois larges groupes d’iles géographiquement très espacés : Phoenix, Line, et Gilbert Islands sur lesquels se trouve Tarawa. Parlons-en de Tarawa ! Nous y avons passé 6 nuits, au Betio Lodge, au sud de l’île de Betio. Betio fait partie des îles qui constituent l’atoll coralien de Tarawa.

La localisation géographie des Kiribati est très étonnante : le pays s’étend à la fois sur l’hémisphère Nord et sur l’hémisphère Sud, ainsi que des deux côtés du méridien de minuit. Ce pays fait partie des plus petits pays du monde si l’on considère sa surface terrestre, ce qui est loin d’être le cas si l’on considère sa surface maritime. Déjà, on commence sur quelque chose de compliqué... Cet atoll abrite plus de 60 000 personnes, pour une superficie de 31 km2 avec une hauteur culminante de 3m.

C’est bien ce que nous avons ressenti : beaucoup de personnes sur peu d’espace, beaucoup de déchets plastiques échoués, et peu de perspectives de changement. Ce manque d’espace impacte directement les conditions de vie des habitants : insalubrité des rues, absence d’agriculture et d’élevage. La dépendance alimentaire et la vulnérabilité climatique sont les problématiques majeures de l’île. La première source de revenu pour l’Etat repose sur les licences de pêche attribuées à l’industrie thonière.

Zone polluée

Figure 1. Exemple de zone polluée sur l’île de Tarawa


Senneur

Figure 2. Senneur et « bateau mère » (= un navire utilisé pour soutenir les opérations de pêche en mer, notamment en stockant et en transportant les prises de poissons des bateaux de pêche plus petits.)


Parlons d’Histoire : pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Japonais ont envahi l’atoll, et y ont construit une base militaire dont la position était stratégique dans le conflit contre les Etats-Unis. On y trouve encore aujourd’hui des tanks et canons le long de la côte. Certaines plages sont déconseillées à la baignade à cause de mines anti personnelles toujours présentent dans le sable et non désamorcées. Les Japonais ont aussi construit une route principale qui traverse intégralement l’atoll, et celui-ci ne faisant que quelques centaines de mètres de large, on peut voir la côte de part et d’autre de cette unique route, ce qui donne un fort sentiment d’oppression.

Ruines guerre mondiale

Figure 3. Ruines de la seconde guerre mondiale


Malgré ce sentiment qui nous a tous impactés, l’ile est entourée d’une eau turquoise et d’un magnifique lagon. Nous sommes allés visiter le nord de l’île ou nous avons passé la journée. Nous y avons été chaleureusement reçus pour le déjeuner malgré leur surprise de voir des touristes ! Sur le chemin du retour, nous avons dû prendre un bateau car le tronçon parcouru à pied à l’allé était inaccessible à cause de la marée haute. Après avoir attendu notre taxi un moment, on nous informe que le pont traversé à l’allé s’est endommagé entre temps et que notre taxi ne peut plus passer. Il faut savoir que ce pont fut construit par les Américains en 1945, et constitue l’unique accès au nord de l’ile. Nous devons donc le rejoindre à pied pour rejoindre notre taxi qui nous attend de l’autre côté.

Nord Tarawa

Figure 4. Nord de Tarawa


Nous avons quitté Tarawa hier après-midi, et nous nous dirigeons vers la première station du leg 2 qui correspond à la station 13 initialement prévue dans le plan d’échantillonnage de l’équipe du leg 1 (voir le blog du 23-10-2023 Station 13 - Fantôme). Cette station se situe, à l’équateur, à 178°W, au niveau de la transition entre deux zones distinctes du Pacifique: l’upwelling à l’est, où des eaux froides et salées et biologiquement plus productives remontent des profondeurs et la warm pool à l’ouest, où les eaux de surface sont beaucoup plus chaudes (voir la Figure 1), plus dessalées et moins productives en terme de microalgues, alors que c’est dans cette partie ouest que se situe la zone de capture de bonites la plus importante du Pacifique. C’est un des enjeux de cette campagne que de comprendre ce phénomène et la transition des écosystèmes entre la zone d’upwelling de l’est et la warm pool à l’ouest.

Températures surface

Figure1 : carte des températures de surface moyennes dans le Pacifique avec les courants de surface, illustrant les zones froides de l’est de l’upwelling équatorial et les eaux chaudes de l’ouest de la warm pool. La station 13 est représentée par le point noir à la transition.


Nous avons donc 3 jours de transit pour rejoindre ce point et nous en profitons pour nous préparer aux opérations futures.

Ce matin, nous avons commencé notre journée par une petite séance de renforcement musculaire avec notre « coach Sarah ». Il pleuvait, nous avons donc investi le salle PC science pour que chacun puisse effectuer ces exercices. Au programme de cette séance, gainage, abdo, chaises, et pompes.

Seance sport

Figure 2. Séance de sport dans la salle PC science


Plus tard dans l’après-midi, Christophe, notre chef de mission, nous a fait une présentation générale des objectifs des campagnes WARMALIS et plus précisément de cette mission WARMALIS 3. Sarah, qui est en thèse à Toulouse, nous a ensuite présenté l’outil de modélisation SEAPODYM, qui permet de faire des projections de la distribution des thons et dans ce cas des proies principales des thons : le micronecton.

Presentation Christophe

Figure 3. Présentation de Christophe


Presentation Sarah

Figure 4. Présentation de Sarah


Les marins, quant à eux, sont toujours en activité lors de ce transit. Ils utilisent ce temps pour effectuer des opérations de maintenance, comme le ramendage de filets (réparation des filets), le taraudage de fontaine (= trous sur le pont dans lequel on visse un anneau où sera fixé les appareils de mesure et d’échantillonnage). De plus, nous tenons à les remercier pour toute l’aide qu’ils nous apportent afin d’améliorer la qualité de vie à bord.

taraudage fontaines

Figure 5. Taraudage des fontaines


Nous entamons notre deuxième jour en transit ! Demain, en fin d'après-midi, nous atteindrons l'équateur, où se trouve la station 13, pour démarrer la collecte d'échantillons.

Pendant notre transit, nous profitons de ce temps pour continuer les présentations des disciplines de chacun. Elodie nous fait une présentation sur la taxonomie morphologique et en profite pour nous définir le terme micronecton. Nous observons des photos de spécimens intéressants, elle nous montre les critères importants pour les identifications et insiste sur le fait de manipuler avec précaution ces spécimens car tous les détails morphologiques externes sont importants pour une identification à l’espèce.

Elodie présentant travail

Figure 1. Elodie présentant son travail


Puis c’est au tour de Laure et Anne. Elles nous rappellent les bases de l’acoustique et nous informent sur les données acoustiques que nous collecterons et les différents appareils que nous emploierons au cours de la campagne.

Laure Anne acoustique

Figure 2. A gauche, Laure et à droite, Anne, toutes deux présentant l’acoustique


Les derniers préparatifs sont réalisés, Marion et Sarah finalisent l’annotation des tubes. De plus, nous faisons une mise au point concernant la répartition des prélèvements d'eau pour maximiser notre efficacité le jour de la collecte. En fin d'après-midi, une alarme incendie a retenti pour la réalisation d’un exercice. Les scientifiques se sont rassemblés sur la plage arrière tandis que les marins revêtaient leurs tenues de pompiers.

Exercice incendie

Figure 3. Exercice incendie (Rémi expliquant la mise en situation, Gwen et Delphine aidant les pompiers à s’habiller, Alex et Mathieu transformé en pompier).


Et pour clôturer cette journée de transit, notre "coach Sarah" nous a dispensé une nouvelle séance de yoga.

Nous avons toutes et tous hâte d’être à demain pour arriver à la station 13 et commencer les travaux d’échantillonnages.

Nous sommes le 25 octobre, il est 15h23 heure locale et 3h23 heure UTC, le bateau a ralenti, nous sommes à la station 13, qui est la première station de l’équipe du leg 2. HOURRA !!!

Après toutes les péripéties entrainant un retard important pour le départ de Tarawa et après 3 jours de transit, tout le monde attendait ce moment avec impatience.

Nous avons répété les gestes, vérifié le matériel, organisé les opérations, nous sommes fin prêts.

A chaque station, une série de 7 opérations est réalisée à la suite avec des appareils différents.

Et c’est Céline qui ouvre le bal.

Céline est notre instrumentaliste à bord. Elle s’occupe de la mise en route et l’acquisition des données de la sonde CTD-Rosette et ses capteurs associés (Température, Conductivité, Pression, oxygène, lumière, fluorescence, turbidité, etc…). Également de la mise en route et de l’acquisition du Multinet couplé à une sonde CTD (Conductivity, Temperature, Depth). Le Multinet est un appareil qui permet le déploiement de 5 filets qui collecteront le zooplancton à 5 profondeurs différentes. Elle réalise également l’échantillonnage de l’Oxygène dissous ainsi que la salinité des eaux. Elle assure la mise en œuvre de la connexion entre les différents appareils qui ont besoin d’une acquisition en temps réel à l’aide d’un câble électroporteur. Ce câble permet de communiquer entre l’appareil,la passerelle et le PC science, ce qui permet de visualiser sur les écrans les données des capteurs en temps réel.

Celine

Figure 1. Céline en train en train de saisir les données lors de la descente de la CTD-Rosette


La première opération de cette station 13 est la mise à l’eau de la rosette. Cet engin est composé de 12 bouteilles Niskin, qui sont attachées à une structure métallique reliée à un câble électroporteur qui permettra le « claquage des bouteilles ». Cette opération consiste à envoyer la rosette à 200 m de profondeur et à prélever aux profondeurs souhaitées l’eau de mer. Ainsi nous avons récupéré des échantillons d’eau à 199, 152, 125, 110, 96, 70, 49, 20 et 5 m de profondeur.

Rosette et sondes

Figure 2. Présentation de la rosette et de ses sondes


Une fois la rosette de retour à bord. Amandine, notre responsable filtration, Sarah, Marion et Vonklauss, les préleveurs, s’animent autour et prélèvent l’eau qui sera ensuite filtrée dans le laboratoire humide. C’est la première fois que nos trois préleveurs participent à une mission scientifique de ce genre. Lors de cette première opération, Amandine, Christophe et Elodie leur montrent la marche à suivre et les petites subtilités de ces prélèvements.

Sarah et Amandine

Figure 3. Sarah et Amandine prélevant l'eau des bouteilles Niskin


Pour notre première station, nous avons réussi à faire toutes les manips. Le temps de prendre nos marques nous avons mis plus de temps que ce qu’il faudrait, mais au fil des jours nous serons plus performant.

Fin de la station, jeudi 26 octobre 2023, 3H00 heure locale ! Il est temps d’aller se coucher.

C’est aux alentours de 9h que les derniers scientifiques couchés se sont réveillés ce matin. Généralement, chacun vit sa vie à bord jusqu’à ce qu’on arrive à la prochaine station. Mais aujourd’hui, notre chef de mission Christophe souhaitait que nous débriefions de la station de la veille, afin d’identifier les choses à perfectionner.

C’est à 16h00 heure locale que nous arrivons à la station 14, notre deuxième lieu de prélèvements. Cette station est particulière puisqu’elle se situe au croisement de deux lignes imaginaires: l’équateur (latitude 0) et l’antiméridien situé à 180° de longitude, directement opposé au méridien de Greenwich. Ce méridien, marquant la limite entre les longitudes 180 Est et 180 Ouest, correspond à la ligne de changement de date, en la traversant il est nécessaire de changer de date. Franchir ce point précis situé au beau milieu du Pacifique reste un fait rare.

Les 2 rosettes-CTD remontées, les préleveurs récupèrent l’eau et déposent les échantillons dans le laboratoire humide.

C’est au tour d’Amandine et Sarah d’effectuer les filtrations d’eau de mer. De nombreuses analyses sont effectuées à partir de l'eau que nous recollectons à l'aide de la rosette. L'eau est prélevée et placée dans de petits flacons que nous congelons afin de procéder à l'analyse des sels nutritifs une fois de retour à terre. Les sels nutritifs sont des minéraux essentiels dissous dans l'eau de mer, qui sont nécessaires à la croissance et au développement des organismes marins, tels que les algues, les plantes aquatiques et les animaux marins. Ils jouent un rôle crucial dans la croissance et la survie des organismes marins.

Une autre partie de l'eau est filtrée pour récupérer le phytoplancton. Notre intérêt se porte plus particulièrement sur la chlorophylle. La chlorophylle permet de capter la lumière du soleil pour transformer le dioxyde de carbone (CO2) en oxygène (O2) et en matière organique.En parallèle, des incubations sont réalisées sur le pont arrière du bateau (pendant 24 heures), dans le but de mesurer la biomasse du phytoplancton ainsi que son activité photosynthétique.

Amandine laboratoire

Figure 1. Amandine dans le laboratoire de filtration du bateau


Nous tenions également à vous présenter notre vénérable, exceptionnel, Ô grand chef de mission Christophe. Vous remarquerez l’accord parfait des couleurs entre la tenue et le matériel de travail (photo à l’appui !). C’est une source d’inspiration pour nous tous, en toute humilité évidemment !

Chef station

Figure 2. A gauche, le chef remplissant la fiche station ; à droite, le chef assorti à ladite fiche !


Ce matin, nous avons eu un problème d’acquisition de paramètres de navigation qui est un paramètre majeur sur le bateau, notamment pour la qualité des mesures des instruments tels que le sondeur halieutique, le sondeur qui permet calculer les courants sur le bateau etc.

Ainsi, à 8H30 (27 octobre) heure locale (20H30 UTC le 26 octobre), le système de navigation du bateau qui distribue les informations de position, que l’on appelle CINNA, s’est arrêté sans que nous comprenions pourquoi. Ce système de navigation récupère toutes les données des capteurs de navigation du bateau (trois GPS, 2 centrales d’attitude qui donnent les pillonnements, tangage et roulis du bateau), le système AIS, et les 2 radars). Puis CINNA distribue une navigation « intégrée » à tous les outils du bord pour le géo-référencement des données et notamment les instruments scientifiques tels que le courantomètre à effet doppler (ADCP, dont on voit une copie d’écran).

Capture ecran


Cet instrument sous la coque du bateau mesure les courants de l’océan relativement au navire sur ~800m de profondeur sous le bateau. Pour remonter à une mesure de courant absolue, et il a donc besoin de connaître la vitesse du navire précisément pour en déduire, par différence, les courants marins. Sans données de navigation CINNA, il n’est plus possible de connaître les courants absolus. Simon notre électro de choc (voir photo) s’est affairé, depuis ce matin, à résoudre le problème, en liaison avec les électroniciens de GENAVIR à Brest-même. Le problème a été résolu en fin d’après-midi par des interventions à distance, de Brest sur les ordinateurs du bord.

Photo homme


Après analyse rétrospective des données, voilà comment le problème apparaît sur les courants est-ouest. Sur la figure suivante représentant le courant est (vers l’est : en rouge/jaune en m/s et ouest (vers l’ouest, en bleu, m/s), nous voyons la structure des courants sur les 800 premiers mètres alors que nous déplaçons de l’est, de la ligne de changement de date vers l’ouest, vers les stations suivantes. Vers 179°E, une barre de courant « bleu » apparaît sur toute la verticale qui indique des courants faux. Cette barre correspond au moment où la navigation a décroché, est devenue fausse, et par conséquent produit des courants absolus faux puisque, pour obtenir ces courants, il nous faut retirer l’effet de la navigation aux données de l’instrument ADCP qui se déplace avec le bateau. Durant plus de 1 degré de longitude sur notre déplacement le long de l’équateur, qui correspond, à environ 7-8 heures de temps et 60 milles nautiques ou 111 km (à notre vitesse du bateau de 8 nœuds, soit 8 milles nautiques à l’heure ou environ 15 km/h), les données étant absentes totalement, le courant ne peut pas être calculé ce qui se transcrit par une zone blanche sur le graphique.

Profil


La navigation revenue, les courants peuvent être à nouveau être calculés. Ces courants est-ouest sont complexes. Ici, à l’équateur, ils sont « feuilletés » sur la verticale avec des alternances de courants vers l’est en surface à environ 0,3 m/s, puis une très fine couche de courant vers l’ouest vers 100m qui alterne avec une couche plus importante vers l’est que l’on appelle le sous-courant équatorial suivi, sur la verticale, d’un courant vers l’ouest que l’on appelle le courant intermédiaire équatorial, suivi, de manière moins marquée cependant, par une couche de courant inverse vers 800. Ces structures ne sont pas nouvelles mais caractéristiques de la circulation océanique à l’équateur.

Premier embarquement pour Sarah.

Toulousaine dans le cœur et enthousiaste supportrice du stade Toulousain, Sarah embarque pour la première fois et on regarde avec elle (surtout le capitaine) les matchs de la coupe du monde de Rugby. Le sport, elle le regarde à la télé mais surtout elle le pratique et c’est pour ça que c’est notre Coach Sarah ! Enfin plus sérieusement ; qui est Sarah ?

Sarah est en thèse (CLS Toulouse et l’OBS de Brest – laboratoire d’océanographie physique et spatiale) sur la modélisation du micronecton en lien avec les cycles biogéochimiques, soit le rôle du micronecton dans le piégeage du carbone dans l’océan. On sait que le micronecton effectue des migrations verticales tous les jours : il reste en profondeur la journée pour éviter les prédateurs et il remonte en surface la nuit pour se nourrir de zooplancton. Par sa migration et son régime alimentaire, il exporte le carbone vers les profondeurs.

C’est grâce à cette thèse que Sarah est avec nous. Son travail se passe principalement devant l’ordinateur et il est important de voir et de connaitre les espèces sur lesquelles elle travaille. Alors, embarquer avec nous lui permet de découvrir les espèces de la grande famille du micronecton, leur biologie, ainsi que les moyens techniques pour les pêcher.

Comme Robin des bois, Sarah a plusieurs cordes à son arc. Pendant son école d’ingénieur, elle a étudié la chimie et donc naturellement elle aide Amandine pour les prélèvements de chlorophylle et de sels nutritifs. Pour rappel, la chlorophylle compose les microalgues (phytoplancton) qui sont à la base de le réseau alimentaire. Les sels nutritifs (pour rappel toujours) sont des éléments chimiques présents dans l’eau qui influence la croissance du phytoplancton.

Amandine et Sarah récupèrent ces éléments grâce aux prélèvements d’eau rapportés par la CTD. Une fois cela terminé elles filtrent l’eau au labo sec et gardent les filtres pour qu’ils soient étudier à terre.

Après la chimie, retour au micronecton quand même ! Pendant le virage du chalut, elle court en passerelle demander au capitaine les infos sur la pêche, puis elle descend toujours en courant aider Elodie et Laure au tri du micronecton. Après tout ça, il est temps d’aller se coucher car la journée a été longue et bien remplie.

Du coup Sarah, quelles sont tes premières impressions ? J’adore les manips et c’est chouette de voir enfin ce que je modélise !

Sarah


Ce dimanche, jour toujours un peu spécial à bord, commence très tôt pour les plus motivés d’entre nous. En effet, la finale de coupe du monde de rugby est diffusée en direct dans le carré, et décalage horaire oblige, le coup d’envoi sonne à 7h du matin. Une fois la connexion programmée et installée par Simon, notre électronicien à bord, les supporters les plus acharnés, scientifiques comme marins, se rassemblent autour des traditionnelles viennoiseries du dimanche matin pour regarder le match.

Finale rugby

Figure 1. Tous les sportifs sont très concentrés devant le match


Tout le monde se retrouve ensuite au complet à 11h pour le repas de midi. L’équipe de la cuisine, Delphine et Gwen se sont encore surpassés pour nous offrir un excellent repas du dimanche. Nous y faisons honneur en portant les bula shirts (chemises à fleurs) du dimanche, dans la digne lignée de la team du leg 1. Tout le monde se prête au jeu !

Motifs Pacifique

Figure 2. Grande variété de motifs du Pacifique au repas de midi


Nous arrivons en Station 17 à 16h15. Les manips s’enchainent normalement. Lors des échantillonnages biologiques réalisés avec un filet, c’est-à-dire pour le zooplancton et le micronecton, Marion rentre en jeu pour faire des prélèvements d’ADN. Véritable passionnée de navigation, Marion est notre enthousiaste technicienne dans l’équipe, travaillant à la CPS à Nouméa dans la section pêche au thon. Elle a donc une belle expérience en mer, ayant embarqué de nombreuses fois sur des campagnes de marquage et d’échantillonnage biologique sur les thons. Toutefois, bien que familière avec les manips de chalutage et avec le milieu marin en général, c’est sa première campagne océanographique de ce type. Marion est donc comme un poisson dans l’eau à bord, et participe à plusieurs échantillonnages : prélèvements CTD, mesure d’oxygène, et surtout… l’ADN !

Pour ces prélèvements d’ADN, Marion utilise des petites balles trouées, qui contiennent des morceaux de gaze. Ces balles sont fixées sur les filets à zooplancton et à micronecton pendant la pêche. Une fois les filets remontés à bord, Marion récupère les balles, en faisant attention à ne rien toucher d’autre, extrait les morceaux de gaze et les met ensuite dans des tubes avec de l’éthanol pour conserver l’ADN au congélateur, avant de pouvoir les analyser une fois à terre. Cette manip est délicate car elle nécessite de devoir désinfecter toutes les surfaces en contact avec les balles et de faire très attention en les touchant. Grâce à cet échantillonnage, nous espérons détecter l’ADN de tous les organismes qui seront passés par là et pouvoir comparer ces résultats aux identifications morphologiques réalisées sur les spécimens contenus dans les filets.

La station se termine finalement sous la pleine lune, une fois toutes les manips effectuées.

Marion metaprobes

Figure 3. Marion en train de préparer les metaprobes (à gauche), l’équipe chalut du jour, et récupération de la metaprobe dans le « cul du chalut » (au milieu), Marion en train de prélever de l’eau à la rosette et en train de réaliser la manip oxygène avec Céline dans le laboratoire humide (à droite).


L’acoustique, toujours plus fantastique !

Une nouvelle semaine commence, la deuxième de travail pour la team du leg 2. Plus nous avançons vers l’Ouest du Pacifique, plus nous observons des changements dans les données acquises, notamment sur les données acoustiques, qui se fait à l’aide des 3 appareils dont nous disposons pour le 2ème leg.

Comme cela a été expliqué à l’occasion de la station 3, l’acquisition de données acoustiques est continue avec le sondeur EK80, situé sous la coque du bateau. Cet appareil envoie des ondes dans l’eau qui sont réfléchies par tous les organismes présents sous le bateau. Nous mesurons ces ondes réfléchies, qui nous indiquent où se situent les organismes présents dans l’eau. L’acquisition est continue avec le sondeur vertical EK80, qui émet toutes les 3-4 secondes cinq ondes, à 18, 38, 70, 120 et 200 kHz. Chaque onde a une profondeur d’acquisition différente : plus la fréquence est basse plus elle peut détecter loin (1500 m à 18 kHz et 200 m à 200 kHz).

Avec le sondeur EK80 nous observons la distribution verticale des organismes et notamment leur comportement de migration des profondeurs à la surface. Tous les soirs, nous attendons que la migration verticale soit terminée et que les organismes soient bien installés à leur profondeur préférée pour la nuit, avant de démarrer les mesures biologiques en station.

Dans cette partie du Pacifique, appelée la warmpool, la migration s’arrête souvent avant la surface. Lors de la station d’aujourd’hui nous avons même observé un phénomène inhabituel : au même moment une migration vers le bas, visible uniquement aux fréquences 120 et 200 kHz de 20m vers 100 m (figure 1 droite), mouvement inverse de celui, classique, que l’on voit sur les fréquences 18, 38, 70 kHz et qui monte (figure 1 gauche) de 400 m vers 150 m.

Echogrammes

Figure 1. Echogrammes à 38 kHz (gauche, sur 800 m de haut) et à 200 kHz (droite sur 150 m de haut) montrant les deux types de migrations au début de la station 17.


Les organismes ne sont pas détectés de la même façon à toutes les fréquences, car selon leur taille, leur forme et leur constitution, ils ont chacun une « signature fréquentielle » et c’est l’approche multifréquence qui nous aide à faire la différence entre par exemple des crustacés et des poissons portant une vessie natatoire gazeuse : les crustacés donnent des échos qui augmentent avec la fréquence (plus forts sur l’EK80 à 120 et 200 kHz) et les poissons mésopélagiques ayant une vessie gazeuse peuvent avoir un écho très fort à 18 ou 38 kHz selon la taille de leur vessie.

L’acquisition se fait en station pour les profils acoustiques avec les profileurs à zooplancton : TAPS (420 kHz à 3 MHz) supportant 200 m d’immersion et visant le micro/méso-zooplancton et AZFP (200 kHz à 2 MHz) supportant 600 m d’immersion et visant le méso/macro-zooplancton (présenté station 11). Ces équipements sont couplés à un capteur de pression relié au bateau par le câble électro-porteur de façon à connaître en temps réel la profondeur d’immersion des appareils.

Ce sont les propriétés acoustiques notamment des crustacés qui sont exploitées à partir des données de profileurs multifréquence tel le TAPS, qui fonctionne à 5 fréquences : 420, 769, 1100, 1850 et 3000 kHz. Ces fréquences ont été choisies pour privilégier la détection d’organismes comme les copépodes. La connaissance de leur signature fréquentielle aux fréquences utilisées associée aux mesures permettent de reconstituer des profils de volumes de zooplancton en fonction de la profondeur pour diverses classes de tailles. Le profil est aussi mis en relation avec les paramètres d’environnement comme la température (figure 2).

Profils TAPS

Figure 2. Profils de TAPS. A gauche, la température et à droite, les échos acoustiques aux 5 fréquences en décibels. Sur le graphique de droite, plus une courbe se situe vers la droite, plus les échos sont forts, indiquant une plus forte densité d’organismes.


Les personnes en charge de l’acoustique sur le Leg 2 de la campagne, sont Laure Barbin et Anne Lebourges-Dhaussy.

Laure Barbin : après avoir fait une école d’ingénieurs à Toulouse, Laure a découvert sa passion bien compréhensible pour l’acoustique dédiée à l’étude des écosystèmes marins, à l’occasion de son master 2 réalisé à l’IRD de Brest avec les laboratoires LOPS et LEMAR. Elle s’est ensuite engagée dans une thèse à Sorbonne Université, avec les laboratoires ENTROPIE, LEMAR et la CPS sur l’étude du micronecton à l’échelle du Pacifique dans le cadre du projet CPS-IRD MICROPAC durant lequel sont effectuées les campagnes WARMALIS. Elle réalise ses travaux à Nouméa et participe à sa 3ème campagne WARMALIS. A bord, elle s’occupe non seulement de la surveillance du sondeur et de l’acquisition des profileurs et de la récupération des données, mais aussi de la configuration des capteurs de pression/température qui sont placés sur le filet bongo et sur le chalut, et elle participe aussi au tri du micronecton.

Laure surveille

Figure 3. Laure en train de surveiller l’acquisition des données.


Anne Lebourges-Dhaussy : Anne est ingénieur de recherche à l’IRD, co-dirige la thèse de Laure, et est responsable de la plateforme acoustique de l’IRD, basée au LEMAR à Brest. Ce groupe est constitué d’ingénieurs qui embarquent sur de nombreuses campagnes à la mer à travers le monde suivant les programmes de recherche de l’IRD dans tous les océans tropicaux. Après une thèse en acoustique à l’Université Pierre et Marie Curie (maintenant Sorbonne Universités), Anne a développé sa carrière sur l’utilisation des méthodes acoustiques pour les écosystèmes marins s’intéressant aux échelons trophiques allant des plus petits tels que le zooplancton aux plus gros tels que les poissons en passant par le micronecton. Une de ses passions consiste à chercher dans les échogrammes ci-dessus des formes rappelant les animaux les plus étranges et d’imaginer à partir de ces graphiques insolites mais grandioses ce qui sera réellement pêché dans le chalut. Elle a participé à nombreuses campagnes à la mer, dont 2 WARMALIS et est actuellement chair-woman du groupe international WGFAST (ICES Working Group on Fisheries Acoustics, Science and Technology).

Anne et Alex

Figure 4. Anne et Alex en train de fixer le capteur de bioluminescence


Happy halloween


Nous sommes aujourd’hui le 31 octobre 2023, et nous allons démarrer la station numéro 19. L’équipe scientifique se retrouve au niveau du PC science 1 heure avant le début des opérations afin d’agrémenter cette journée spéciale. Et c’est là que nous découvrons des talents cachés, je vous laisse en juger par vous-même.

Photo team halloween


Permettez-moi de vous représenter l’équipe de choc sans qui toutes ces manips ne pourraient avoir lieu. C’est grâce à ces personnes que nous pouvons mettre à l’eau tous les engins. Des opérations complexes nécessitant un savoir faire particulier, que ce soit pour les prélèvements d’eaux, la mise à l’eau des engins acoustique et des filets pour les prélèvements de zooplancton et de micronecton. Nous profitons aussi de ce blog pour les remercier.

Equipe pont

Figure 1. L’équipe « pont », de gauche à droite : Alex, Vincent, Stéphane, Mylène, Jean notre bosco (copyright : Alexandre d’Acremont)


Et c’est dans un registre plus sombre que la suite de la journée s’est déroulée…

C’est à la nuit tombée (whouhhhhouuu), que les myctophidés remontent des obscures profondeurs où vivent des bêtes insondables et cruelles. A cette heure sombre (brrrrhhhh) nous déployâmes le chalut. Sur le pont, balayé par les cruels éléments, les marins téméraires s’emploient activement à déployer l’engin. A la passerelle, Rémi et Arnaud le sourire carnassier, le geste assuré et l’œil conquérant, filent l’instrument dans les profondeurs mystérieuses et glaciales (glaglaGLA !). La pleine lune est levée… le bateau tremble sous le bruit effroyable des câbles et des treuils, des craquements retentissent (crac !), la lune disparait sous de noirs nuages annonçant quelque destin horrible (pour le micronecton). Telles des âmes en peine, Elodie, Sarah, Laure, Marion, Amandine, Vonklauss errent dans les coursives comme autant de fantômes attendant l’heure fatidique.

« Cul du chalut à bord » hurle le capitaine avec une voix d’outre-tombe. L’eau sombre bouillonne, les requins veillent, tentant vainement d’engloutir notre maigre butin.

Hourra, le filet est à bord ! Et dans un dans un dernier sursaut, le chalut régurgite le micronecton et le livre à son sombre destin dans de froide sépulture (congélateur -20°C !).

Présentation de quelques spécimens observés dans les chaluts (Copyright : Elodie Vourey) :

Phyllosome de Palinuridae Chiasmodontidae

Figure 2 : A gauche, Phyllosome de Palinuridae (Larve de langouste) ; à droite, Chiasmodontidae (Avaleurs)


Chiasmodontidae 2 Neognathophausia ingens

Figure 3 : A gauche, Chiasmodontidae (Avaleurs) ; à droite, Neognathophausia ingens (Crevette profonde)


Histioteuthidae Evermannellidae

Figure 4 : A gauche, Histioteuthidae (Calamar bijoux ou fraise) ; à droite, Evermannellidae (poisson à dents de sabre)


Sternoptyx sp Thalassenchelys sp

Figure 5 : A gauche, Sternoptyx sp. (Poissons-haches d’argent) ; à droite, Thalassenchelys sp. (Larve de poisson serpentiforme)


Notostomus sp Malacosteinae

Figure 6 : A gauche, Notostomus sp. (Crevette profonde) ; à droite, Malacosteinae (Dragons à écailles)


Scopelarchidae Diretmidae

Figure 7 : A gauche, Scopelarchidae ; à droite, Diretmidae


Aujourd’hui commence le mois de Novembre, nous sommes toujours à la latitude 00°, et nous avançons doucement mais surement vers la Papouasie Nouvelle Guinée, à raison de 2° de longitude vers l’Ouest par jour. Depuis le début du Leg2, et depuis le début de la campagne en général, nous voyons une évolution dans notre quête du micronecton. En effet, le chalut de surface s’appauvrit, tandis que celui de 500 m est toujours aussi complet, sans pour autant être moins intéressant.

Chalut à micronecton

Figure 1 Le chalut à micronecton


Nous avons tous les jours de très beaux spécimens, pour le plus grand bonheur de notre talentueuse taxonomiste Elodie (« Ohlala un Neognathophausia ingens c’est très très beau »). Voici les différentes étapes de la station type pour Elodie… Quand l’heure du chalut arrive, Elodie monte en passerelle avec Sarah pour noter les informations sur la pêche, dictées par Arnaud notre commandant. Avant la fin du chalut, elle descend en plage arrière revêtir son plus beau casque et son gilet de survie (toujours avec une classe inégalable). Elle prépare le matériel nécessaire à la réception des échantillons : tamis de différentes tailles, grand seau, barquettes, etc. Quand les matelots récupèrent le cul de chalut piscine (non assez explicite et toutefois très scientifique pour définir le fond du chalut dans lequel les organismes se retrouvent à sa remontée), elle va récupérer tous les trésors qu’il renferme dans le grand seau. Elle le vide ensuite dans le tamis, découvrant les différents organismes avec des yeux émerveillés, puis amène la récolte au labo humide pour les trier. C’est à ce moment que l’enquête commence : les spécimens sont triés à la pince par une équipe dynamique et enthousiaste (Laure, Sarah, Vonklauss, Marion) et répartis dans des sacs par grandes catégories : crustacés (ex : crevettes de toutes tailles et formes), poissons (ex : Myctophidae, petits poissons avec des photophores bioluminescents), gélatineux (méduses ou autres étranges masses visqueuses), mollusques, etc. Les organismes moins courants sont alors extraits pour être observés et photographiés par Elodie. Malgré son impressionnante connaissance de la classification taxonomique (groupes, familles, genres et espèces) (« Ohlala un Neognathophausia ingens c’est très très beau »), des critères morphologiques et des clés d’identification, elle aura besoin de plus d’outils une fois rentrée à Terre pour les identifier précisément. En attendant, seuls les gélatineux sont pesés et mesurés, et les sacs résultant de ce tri grossier sont conservés à -20°C dans le congélateur du bateau.

Elodie et the team

Figure 2: Elodie et THE TEAM pendant WARMALIS 3


Outre son talent pour l’identification de micronecton, et sa mémoire à toute épreuve pour les noms latins d’espèces, tous plus imprononçables les uns que les autres, Elodie aide Christophe dans l’organisation générale du Leg2. Forte d’une grande expérience dans les campagnes en mer, elle est familière avec les diverses opérations, et sa rigueur est de mise pour les mener à bien. Malgré un mal de mer tenace, elle continue d’embarquer allégrement (ou presque), par passion pour le micronecton.

Résidente en Nouvelle-Calédonie depuis 2004, Elodie est taxonomiste à la CPS depuis 13 ans. Son quotidien à Terre consiste en grande partie à étudier les échantillons des précédentes campagnes. Elle reprend les fameux sacs de spécimens congelés, et l’objectif est d’identifier le plus précisément possible chaque spécimen, en essayant d’aller jusqu’à l’espèce (ce qui peut ne pas être possible s’il est trop abimé). Pour ce faire, elle dispose de plusieurs outils : bibliographie contenant les clés d’identification, les définitions précises des critères morphologiques, des dessins et des photos, loupes binoculaires, rayons X pour étudier le squelette, etc. Et le clou du spectacle… Elodie a déjà décrit une nouvelle espèce de poisson et travaille actuellement sur la description de deux nouvelles espèces trouvées lors d’une de ces campagnes en mer !

Exemple specimens

Figure 3: Exemple de spécimens de micronecton provenant de campagnes à la mer et identifiés au laboratoire de la CPS (Copyright : Elodie Vourey)


L’après-midi de ce jeudi commence avec grand sérieux, par une présentation de Christophe à toute l’équipe scientifique sur le fonctionnement du climat et du changement climatique. Cette petite remise à niveau en physique est utile à tout le monde, afin de resituer notre travail et cette mission dans les enjeux actuels. En effet, l’étude du micronecton dans le Pacifique tropical contribue à accroître les connaissances sur les océans et ainsi, prédire la variation des écosystèmes avec le changement climatique.

Christophe savoir faire

Figure 1. Christophe nous diffusant son savoir.


Suite à cet interlude, nous commençons la station 21 à 16h comme les jours précédents. Toutes les opérations se déroulent sans encombre. Une partie des manip liées à l’échantillonnage des organismes biologiques pendant la nuit consistent à étudier le zooplancton. C’est le maillon de la réseau alimentaire qui se situe sous le micronecton : plus petit que ce dernier, le zooplancton sert de nourriture au micronecton. Il est composé notamment de petits crustacées, mollusques, gélatineux, et larves de toutes sortes d’organismes, souvent trop petits pour être observés à l’œil nu.

Christophe et Vonklauss se chargent de l’échantillonnage du zooplancton à l’aide de deux filets différents : le bongo et le multinet. Le bongo est une structure avec deux filets à maille très fine : 100 et 200 µm . Ils permettent de filtrer l’eau entre la surface et 200m de profondeur. Le zooplancton très fragile ainsi récolté est récupéré, mis dans des pots et conservé dans le formol. Une fois à terre, il sera possible de l’analyser avec un microscope ou des appareils grossissants dédiés pour identifier les spécimens pêchés, connaitre leur nombre et leurs espèces.

Filet Bongo

Figure 2. Filets Bongo à gauche. Christophe et Vonklauss récupèrent le zooplancton, le mettent dans des pots puis rajoutent du formol pour les conserver. Ici on observe de petites crevettes.


Christophe est une des personnes en charge du zooplancton, avec Vonklauss. Mais ça n’est pas là son seul rôle, il est également notre chef de mission, supervisant l’organisation du leg 2 avec un management impeccable. Il ajuste au quotidien, en lien avec Arnaud, notre Commandant, le bon déroulement des opérations. Loin de rester en retrait des manips, il participe au tri du chalut (avec une spécialisation en rédaction d’étiquettes pour le rangement des échantillons), à la prise de note globale lors des stations et à la surveillance de l’acquisition des données de courant.

A terre, Christophe endosse également de nombreux rôles. Il est directeur de recherche à l’IRD Nouméa, avec pour terrain de recherche privilégié, le changement climatique et tous les phénomènes qui lui sont liés. Il a commencé sa carrière scientifique par l’étude du phénomène El Niño (oscillation climatique du Pacifique influençant fortement le climat et la météo à l’échelle interannuelle). Sa curiosité l’a poussé à s’intéresser à d’autres sujets, notamment l’étude des écosystèmes micronectoniques dans le Pacifique en collaboration avec Valérie Allain et la CPS, mais aussi l’étude des vagues de chaleur marines et atmosphériques, les impacts terrestres du changement climatique à l’échelle des îles du Pacifique, en particulier sur l’agriculture et la transmission des savoirs locaux (Projet CLIPSSA). Il s’intéresse également au lien entre le climat et les maladies à vecteurs (dengue, leptospirose, zika, chickungunya). Il supervise ainsi plusieurs étudiants en thèse. Enfin, il est responsable du réseau de capteurs côtiers REEFTEMPS ainsi que directeur du conseil des planètes alignées. Son chien s’appelle Zorglub.

Aujourd’hui, Vonklauss est la star du blog !

A notre bord, nous avons le plaisir d’avoir Vonklauss Siwat qui est maître de conférences en sciences marines à l’Université de Rabaul en Papouasie Nouvelle-Guinée et qui pour la première fois embarque sur un navire océanographique.

Depuis longtemps Vonklauss s’intéresse aux campagnes océanographiques avec l’envie d’embarquer, ainsi c’est avec un grand enthousiasme qu’il a accepté d’embarquer avec nous alors même qu’il n’est entouré que de Français (le pauvre !). En effet, Vonklauss est le seul anglophone à bord mais malgré cette petite contrainte linguistique, il reste très motivé, content de son expérience et de ses collègues. Pour nous, ça nous motive aussi à pratiquer notre anglais, ce qui finit parfois en franglish, avec un accent à couper au couteau ! Mais tout le monde fait un effort, et ça c’est vraiment de l’esprit d’équipe, pis Vonklauss apprend quelques mots de français très utiles, comme : filet mignon et notre chef est mignon…

Durant toute la campagne, Vonklauss a participé à toutes les manips : prélèvements d’eau pour Amandine, Zooplancton avec notre chef mignon Christophe et tri du micronecton avec Elodie.

Concentrons-nous sur le zooplancton car il a géré avec Christophe ; le Bongo et l’Hydrobios. Le Bongo est un filet à zooplancton avec 2 filets de mailles différentes (100µmicron et 200µ micron) qui descend à 250m et remonte verticalement. Vonklauss et Christophe récupèrent les 2 chaussettes où est récolté le zooplancton. Souvent on y trouve plein de toutes mini-micro-crevettes qui se débattent pour échapper à leur destin funeste. Cependant, la loi du plus fort l’emportant, le zooplancton n’échappe pas et ils versent le contenant dans des pots puis y injectent du formol afin de les conserver jusqu’à vitam aeternam.

Après cette manip, ils passent à l’Hydrobios. L’Hydrobios est à nouveau une opération visant à collecter du zooplancton grâce à 5 filets (maille 100µ micron) mais cette fois-ci plongeant plus profondément afin d’échantillonner des couches différentes :

  1. 500m-200m
  2. 200m-150m
  3. 150m-100m
  4. 100m-50m
  5. 50m- surface

Le duo Vonklauss - Christophe réitère la manip de tri, soit, verser le contenant des collecteurs souples débordant de zooplancton dans des pots où ces pauvres individus sans défense seront préservés toujours grâce au mélange eau de mer – formol.

Le zooplancton terminé, il est l’heure de passer au tri du micronecton et c’est sur le 2e chalut que Vonklauss intervient. Afin de prendre des forces et tenir jusqu’aux aurores, il passe d’abord par la cuisine pour manger du pain et boire un thé. C’est d’ailleurs une victoire totale pour la culture française ; Vonklauss se sustente allégrement de pain tartiné de beurre salé pendant cette campagne ! Il se peut qu’il ouvre une boulangerie à Rabaul.

Vonklauss tri avec minutie le micronecton et trouve souvent d’intrigants spécimen pour Elodie qui lui répond de manière très professionnelle : Look Vonklauss, this is INCREDIBLE !

Pour conclure, Vonklauss est content d’être parmi nous et il est prêt à partager ce qu’il a découvert avec ses étudiants. Quant à nous, il nous tarde d’arriver à Kavieng pour découvrir avec lui cette belle étape du voyage.

Vonklauss


Aujourd’hui, nous entamons notre 17ème jour de mer. Et nous profitons du temps libre avant l’arrivée en station pour quelques présentations.

C’est au tour de Céline et Amandine de nous présenter les instruments qu’elles utilisent à bord pour effectuer les différents échantillonnages.

Céline nous révèle tous les secrets des sondes ainsi que les mesures effectuées en temps réel. Et poursuit cette présentation avec une visite guidée autour de la rosette nous permettant d’observer où se situe exactement les sondes et comment elles fonctionnent.

Presentation Céline

Figure 1 : Présentation de Céline


Amandine poursuit avec sa présentation. Elle nous explique l’objectif scientifique de tous les prélèvements d’eau effectués à l’aide de la rosette et nous présente brièvement les techniques d’analyses qui seront effectuées une fois rentrés à terre. Sur le bateau de recherche Antea, nous effectuons principalement l’échantillonnage et les filtrations, mais il faudra attendre d’être dans un laboratoire pour l’analyse de ces échantillons au moyen d’appareils spécifiques.

Presentation Amandine

Figure 2: Amandine en pleine présentation


Il est 15h30, il est temps de se préparer, nous arrivons en station, la 23ème de cette campagne WARMALIS 3.

Avant toutes choses, nous tenons à nous excuser du silence de ces derniers jours ! En effet, nous n’avons pas pu écrire les derniers moments de la mission sur blog car la météo s’est fortement dégradée le lendemain de la dernière station et ce jusqu’à notre arrivée en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le bateau étant notoirement peu adéquat au mauvais temps, notre rédactrice en chef ainsi que plusieurs membres de l’équipe n’ont pas réussi à tenir le blog à jours.

En ce dimanche 5 novembre nous allons vous présenter les trois personnes chargées de la navigation, et qui gèrent, en passerelle, le bateau lors de la réalisation des opérations.

L’Antea ne s’arrête jamais pendant cette campagne, il est continuellement en marche, soit en route soit en station pour les échantillonnages. Il y a donc un système de quart avec un roulement de 3 personnes, le commandant, le second et le lieutenant.

Commençons pour le commandant, Arnaud Behoteguy, sans qui tout ceci ne serait pas possible. C’est lui le big boss !

Arnaud en passerelle

Figure 1: Arnaud en passerelle


Arnaud commence très jeune, à la pêche en Atlantique et en Irlande où il fait du chalut de fond. Curieux et soucieux des aspects scientifiques, il entre, plus tard, à Genavir en tant que second puis devient commandant. Passionné, il aime son métier, rencontrer les gens de divers horizons et la diversité des domaines d’études lors des campagnes (biologie, géologie, océanographie, etc…).

Arnaud commandes chalut

Figure 2: Arnaud aux commandes du chalut


A bord de l’Antea, un de ces nombreux rôles est d’assurer les opérations, tout en surveillant les alentours du bateau. Par exemple, hier, durant la nuit, en pleine station, il aperçoit quelque chose au radar, de la taille d’un petit bateau et qui se rapproche du bateau, mais en regardant dehors, aucune lumière, impossible de voir de quoi il s’agit. Il fait alors appel à un marin pour l’aider à chercher et reconnaitre cet objet non identifié, et, surprise, c’est un énorme tronc d’arbre qui passe alors à quelques mètres du navire. Tout s’est bien passé, Arnaud a géré la situation et les opérations de la station 23 ont pu continuer normalement.

Detection tronc d'arbre

Figure 3: Détection du tronc d'arbre au radar


A présent, voici Rémi Décaillon, le second. Il commence à 18 ans dans la Marine Nationale en tant que timonier. A 25 ans, il fait l’école d’hydrologie, il naviguera sur un grand nombre de navires dont des rouliers (chargement de marchandises roulantes). Il naviguera également pour le transport industriel pour le transport d’Ariane 5.

En 2018, il intègre Genavir en tant que lieutenant, navigue principalement sur la Thalassa, puis l’Alis dans le Pacifique. Après 2 ans d’absence, nous le retrouvons en tant que second sur l’Antea à nos côtés.

Rémi jumelles passerelle

Figure 4: Rémi aux jumelles en passerelle


Faire le quart en passerelle, c’est aussi savoir gérer les passagers clandestins, surtout quand ces derniers brouillent les données météorologiques, le vent se lève, les fous se reposent ! Rémi décide d’essayer de faire sonner la corne de brume, mais rien n’y fait.

Fous sur les mats

Figure 5: Les fous sur les mats


Et pour finir, voici Cyrille Le Laurec, notre lieutenant. Il commence également à la pêche, puis fait un passage de 8 mois à bord des Ferrys, puis de 8 mois sur les sabliers et arrive il y a quelques années chez Genavir.

Vous l’aurez compris, il s’agit de 3 personnes riches en expériences diverses qui s’occupent de mener à bien cette campagne et c’est avec grand plaisir que nous travaillons ensemble.

Cyrille route carte

Figure 6: Cyrille en train de faire la route sur la carte


Nous sommes le lundi 6 novembre, le matin de la dernière station. Le temps est pluvieux et l’Antea commence à subir une légère houle, ce qui est normal puisque l’on se rapproche de la Papouasie.

Cette station est un peu spéciale, c’est la dernière station de la campagne, tout le monde est partagé entre l’excitation de finir la campagne, la satisfaction que tout se soit bien passé et la tristesse que l’aventure se termine. Et petit bonus, « radiocoursive » évoque un chalut ultra profond !

Depuis quelques temps Elodie, notre cheffe taxonomiste micronecton souhaite expérimenter un chalut ultra profond autour des 1000 m, c’est un sujet qu’elle a mis en pourparlers avec le capitaine Arnaud et nos chefs de mission Christophe et Valérie.

Ainsi, arrive la dernière station. L’excitation d’Elodie a eu raison des chefs car elle obtient l’accord d’un 3e chalut à une profondeur maximale égale à la capacité du bateau. En fonction de la puissance moteur du bateau et de la longueur de funes (câbles) qui trainent le chalut, Arnaud fera son maximum pour atteindre les 1000m. Toutefois, pour respecter les heures de travail et ne pas finir le lendemain matin, il faut faire des sacrifices sur les manips. Il n’était pas question de sacrifier les 2 chaluts habituels pour faire celui à 1000 m. Il a donc été décidé de ne pas faire l’hydrobios, le bongo ainsi que l’AZFP.

La deuxième CTD est de retour à bord, et c’est parti pour le chalutage, tout le monde attend ça avec impatience! Les 2 premiers se passent très bien et arrive l’heure du 3e. On est dans les temps. En passerelle, Elodie, Christophe et Anne regardent religieusement Arnaud mettre le chalut à l’eau et commencer la descente. Au PC sciences, Vonklauss et Marion regardent avec plaisir l’écran qui annonce les profondeurs auxquelles se trouvent le chalut. Sur le pont, le reste de l’équipe et les marins écoutent Arnaud annoncer les profondeurs et surveillent les longueurs de câble restantes sur les enrouleurs. On se retrouve de nouveau en passerelle, chacun constate que le chalut a dépassé les profondeurs habituelles. Puis au alentours des 985 m, on perd les données scanmar (capteur qui nous donne la profondeur du chalut en temps réel). Le chalut se trouve sans doute trop loin et l’info transmises par les scanmars n’arrive plus au bateau. Arnaud continue de filer et on récupère le signal à 1028 m. Nous sommes tous en émerveillement devant cette profondeur. C’est excitant, puis on perd de nouveau l’information. Arnaud décide d’arrêter de filer 41 min après le début du filage et décide de se mettre en pêche pour une longueur de funes filée de 2123 m. Nous n'avons pas la profondeur exacte où se trouve le chalut, mais nous savons que nous aurons cette donnée grâce aux capteurs TDR qui se situent au cul du chalut. Puis à 12h51 (heure UTC), Arnaud décide de commencer le virage, c’est-à-dire de commencer à enrouler les câbles pour remonter le chalut. Et là, petit coup de frayeur, Arnaud remarque un problème avec le trancanage du treuil tribord (l’enroulement des funes ne se fait plus correctement). Le mécanicien de garde est alors réveillé et arrive sur le pont pour comprendre et résoudre le problème au plus vite. La tension est à son comble. En effet, la dernière profondeur enregistrée du chalut est 1176 m et Arnaud ne souhaite pas que le chalut reste dans cette position trop longtemps.

Données scanmars

Figure 1 : Données envoyées en temps réel par les scanmars


A 13h02 (UTC), le problème est résolu et le chalut peut enfin remonter doucement. Tout le monde est curieux de découvrir les trésors des profondeurs. Elodie est partagée entre l’excitation de découvrir si la composition en espèce est différente des autres profondeurs et l’appréhension de ne rien avoir dans le chalut au vu du signal extrêmement faible en acoustique.

Le cul du chalut arrive, beaucoup sont sur le pont ! Elodie transmet à Alex la bassine pour réceptionner le cul. Le cul est soulevé avec force hors de l’eau et déposé dans la bassine. Les marins se félicitent pour cette prouesse, ils se tapent dans les mains et son heureux d’avoir participé à cette aventure.

Marins heureux

Figure 2 : Les marins heureux après avoir remonté le cul du chalut à bord du bateau


Vient le moment de l’ouverture du cul du chalut. Arnaud profite de la relève de Cyril pour descendre sur le pont et découvrir également le contenu. Première observation, il y a des spécimens, ouf ! ce n’est pas vide. Elodie aperçoit tout de suite deux poissons des profondeurs qu’elle n’avait jamais eu depuis le début de la campagne. Elle est ravie. S’en suit une danse entre marins et scientifiques, puis des photos d’équipe, avant de partir faire le tri.

Photo equipe troisieme chalut

Figure 3: Photo d'équipe à la fin du troisième chalut


Arnaud et Elodie

Figure 4 : Arnaud et Elodie, heureux de ce chalutage !


Une fois ces explosions de joie terminées, il est temps de réaliser le tri dans le laboratoire humide. Elodie découvre des spécimens de crustacé qu’elle n’avait encore jamais vu, elle prend des photos et conditionne ces échantillons précieux en attendant d’être de retour à terre pour les identifications.

Cette dernière station a été un succès et Elodie a pu combler sa curiosité ! Maintenant on fait cap sur Kavieng, pour 2 jours et demi de transit avec un temps un peu rock’n’roll !

La veille au soir de notre arrivée à Kavieng, le 08 novembre, nous avons fait le pot de fin de mission, à bord, pendant le transit. Les membres de l’équipage avaient installé une bâche pour que nous soyons tous protégés de la pluie. Des sièges et des bancs étaient installés autour de la plancha pour que nous puissions profiter de ce moment, malgré les mauvaises conditions climatiques. Et c’est avec une grande émotion que nous avons écouté le discours de notre exceptionnel chef de mission, qui clôturait ainsi cette campagne WARMALIS 3, la dernière de la série WARMALIS.

Le lendemain vers 8h du matin, le 09 novembre, sous un ciel nuageux, nous découvrons avec un grand plaisir « la terre » et la ville de Kavieng, le cadre était superbe.

Les douanes et le service d’immigration sont montés à bord avant de nous autoriser à débarquer. Tout s’est très bien passé et nous avons tous été autorisés à poser pieds à terre.

Avant de quitter le navire définitivement, nous avons rangé les laboratoires. Pendant que certains dressaient les inventaires du matériel des 2 labos, d’autres ont fini d’entrer les données. Vers 15h, Vonklauss est partit déposer ses affaires à son hôtel car il partait le lendemain matin, et d’autres ont décidé d’aller explorer le marché de Kavieng. Une fois de retour au bateau, les valises faites et l’intégralité du matériel inventorié et rangé pour le transit retour, il était temps pour l’équipe des sciences de contacter l’hôtel qui se trouvait sur la toute petite île de Nusa, située en face du ponton où l’Antea était amarré. Nous avions besoin d’un petit bateau pour être transportés jusqu’à cette magnifique île, qui allait être notre lieu de résidence pour les 3 prochains jours.

Bagages en main et plus que ravis, nous sommes arrivés sur cette île où l’hôtel a dépassé toutes nos attentes ! Son style très typique des habitations de Papouasie, nous a laissé bouche bée, et émerveillés. Cette béatitude a continué au fur et à mesure que nous découvrions nos bungalows, puis que nous passions aux cocktails et à table. Nous avons commencé le repas par une très bonne soupe puis le buffet, où se trouvaient une farandole de légumes divers et variés (sachez qu’on en a terriblement manqué sur ce leg), du crabe au curry (Elo lui a fait la peau, euh pardon, la carapace !), des galettes de poulet pimentées et j’en passe. Bref c’était une explosion de saveurs, un pur bonheur ! La majorité des membres de l’équipage nous ont ensuite rejoint pour un dernier verre avant de reprendre la mer le lendemain après-midi. Ils arriveront entre le 19 et le 20 à Nouméa et nous les reverrons à ce moment-là pour débarquer tout le matériel et les échantillons.

Hotel ile Nusa

Figure 1 : Hôtel de l’île de Nusa


C’est donc avec grand plaisir que nous avons profité de l’île de Nusa, des balades, du marché de Kavieng, de l’artisanat local et bien évidemment du super resto ! Nous sommes rentrés le 12 au soir à Nouméa.

Marché de Kavieng

Figure 2 : Marché de Kavieng


Merci beaucoup, Tankyu tumas !

Scientifiques WARMALIS3 leg 2

Figure 3: Equipe de scientifiques de WARMALIS 3 leg 2 (en haut de gauche à droite : Amandine, Christophe, Vonklauss, Marion, Laure ; en bas de gauche à droite : Sarah, Anne, Elodie et Céline)


Arrivée du bateau à Nouméa

Cela fait maintenant 1 semaine que les scientifiques sont rentrés à Nouméa pour la plupart, quant à l’Antea il est arrivé hier, le dimanche 19 novembre dans l’après-midi.

Nous avons donc tous rendez-vous au bateau le lundi 20 novembre à 8h, pour la démobilisation, qui consiste en la récupération de tous nos équipements, et des échantillons.

Dechargement du materiel

Figure 1 : Déchargement du matériel (copyright : Nicolas Job)


Nous avons besoin de faire plusieurs allers-retours en camion pour transporter les échantillons ainsi que tout ce matériel à l’IRD et à la CPS de Nouméa.

Transfert échantillons

Figure 2: Transfert des échantillons des congélateurs du bateau aux congélateurs de la CPS (copyright : Nicolas Job)


Cette mission aura été une réussite, 25 stations échantillonnées le long de l’équateur, représentant un nombre très important d’opérations réalisées dont :

  • 48 CTD-Rosettes
  • 24 hydrobios-multinet
  • 16 bongos
  • 52 chaluts pour collecter le micronecton, dont 1 chalut profond à 1176m, représentant des milliers de spécimens
  • Des enregistrements acoustiques magnifiques du fait des bonnes conditions météo le long de l’équateur…

Cela aura aussi été une réussite humaine grâce à l’ambiance au sein des équipes scientifiques et au travail des marins.

Nous reprenons tous le chemin du bureau avec un petit pincement au cœur, comme c’est souvent le cas après une excellente mission. Mais le travail sur les missions Warmalis ne fait que commencer et dans les années à venir nous aurons beaucoup d’heures à passer dans le laboratoire pour analyser les échantillons et devant les ordinateurs pour traiter et compiler les données.

Enfin merci à vous de nous avoir suivi tout du long grâce à ce blog !




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Last Updated on Wednesday, 22 November 2023 16:43
 
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